Romantisme ou ses séquelles ? Ce que les Européens sont portés à appeler « liberté » est bien trop souvent un désir malsain, nécrophile, suicidaire de solitude, d’abandon. Inversement ce qu’ils appelleront « solidarité » ne sera qu’une fièvre grégaire nourrie par la peur de se retrouver seul face à soi-même.

Belle ambiguité que la promiscuité urbaine (exploitée comme elle l’est aujourd’hui par le « néo-libéralisme » débridé) a induite au sein de consciences déchirées entre le besoin de moins de présence et la peur ancestrale de l’isolement intégral.

Pourquoi n’a-t-on pas su préserver une « bonne distance » entre « concitoyens »? A défaut de pouvoir parler de « frères humains », car :
il n’y a pas, dans cette organisation de l’espace (urbain), que le seul fait de l’argent et de la spéculation sur les terrains ou les surfaces d’empilables appartements. Il y a là-dessous des moteurs bien plus complexes, probablement similaires aux calculs de l’éleveur qui entasse le maximum de bêtes dans son étable ou son poulailler. L’argent, la rentabilité, certes, en sont le moteur, mais s’y dissimule également la profonde évidence que ces bêtes finiront bientôt à la casserole et que rien ne sert de les respecter ni de s’y attacher. Sans doute est-ce ce qui distingue le « néo- » libéralisme du capitalisme « ordinaire » : le mépris affiché de la personne humaine.

Voilà le sentiment qui anime indéniablement nos décideurs et architectes, politiques et urbanistes, rhéteurs médiatiques et sociologiques. On connaît le résultat, l’homme ainsi entassé perd non seulement le respect de l’institution, mais aussi celui de son prochain.

Stade ultime — quasiment devenu le lot des « banlieues » ou du milieu carcéral — il perd l’élémentaire respect qu’il croyait se devoir à lui-même.