Maria-Anne PRIVAT

Muséographie et interprétation de l’Å“uvre d’art : les principales composantes de la muséographie.

Applications et organisations muséographiques dans quatre musées européens :
Paris : le Louvre
Londres : la National Gallery
Florence : les Offices
Munich : l’Ancienne Pinacothèque

L’objet de cette communication est, d’une part, d’exposer les principales composantes de la muséographie et, d’autre part, d’analyser leurs applications récentes, dans les départements de peintures classiques (XVIème-XVIIIème siècles), dans quatre grands musées européens.

Ces musées ont été choisis pour leurs points communs, et notamment en raison de leurs importantes collections de peintures classiques. Nous insisterons plus particulièrement sur les options choisies par les deux grands musées qui ont récemment réorganisé la présentation de leurs collections, le Louvre et la National Gallery de Londres. Les collections de peintures de l’Ancienne Pinacothèque de Munich sont en cours de restructuration; une prochaine conférence de l’Auditorium du Louvre en exposera les projets.

Cette communication s’attachera donc à présenter les options muséographiques choisies par ces musées et à analyser leur éventuelle influence sur l’interprétation de l’oeuvre peinte.

I. PRINCIPALES COMPOSANTES DE LA MUSEOGRAPHIE.

L’intérêt pour la présentation des oeuvres d’art est ancien. Il est né avec la constitution des collections particulières, et se développa avec la création des musées. Nous pouvons, à titre d’exemple, citer les traités d’un Chretien Van Mechel ou celui d’un Gaspar F. Neikel. Ces auteurs donnent des conseils aux collectionneurs princiers pour la présentation et la conservation des oeuvres de leurs collections.

Si la muséographie demeure plus une pratique qu’une théorie avec ses règles strictes et invariables, nous pouvons néanmoins distinguer plusieurs étapes pour en exposer les principales composantes : dans un premier temps nous nous attacherons au contexte de l’oeuvre peinte au sein du musée ; ensuite nous présenterons les trois facteurs, extérieurs à l’oeuvre, qui jouent un rôle important dans sa présentation et son interprétation par le visiteur.

A. Le contexte de l’oeuvre peinte au sein du musee.

Il est incontestable que l’interprétation de l’oeuvre peinte exposée au musée dépend et varie en fonction des autres oeuvres qui l’entourent. La Joconde, au Louvre, occulte tout autre chef-d’oeuvre, placé à ses côtés.

Les oeuvres influencent mutuellement leur interprétation respective par le spectateur. Par exemple, un tableau, exposé au sein d’autres oeuvres peintes appartenant à la même école n’est pas perçu de la même façon que présenté parmi celles d’autres écoles. Dans le premier cas, le visiteur est plus sensible aux caractéristiques de l’école en question. Dans le second cas, son attention se porte sur les influences mutuelles des écoles exposées.

La présentation “ corporelle “ de l’oeuvre influence également sa perception par le spectateur. Les choix muséographiques du conservateur peuvent privilégier un point de vue donné. Certains aspects ou détails de l’oeuvre sont dès lors occultés. Par ailleurs, la place même de l’oeuvre sur le mur intervient sur la compréhension du tableau. L’exemple des oeuvres peintes da sotto in su est significatif : de grands tableaux monumentaux furent réalisés pour être exposés en hauteur. Le peintre a montré sa maîtrise de la perspective. Ces oeuvres, souvent de grande taille, sont difficilement exposables en hauteur au sein du musée. Aussi, le sont-elles à hauteur d’homme, et les effets de perspective sont, par conséquent, invisibles et certaines déformations corporelles ou architecturales difficilement explicables. Cependant, quand la taille des oeuvres le permet, ces effets sont montrés aux visiteurs. C’est le cas pour le petit tableau du Louvre, peint par Le Sueur, qui expose l’histoire de Tobie, et qui provient du décor de l’hôtel Fieubert.

B. Trois facteurs muséographiques extérieurs à l’oeuvre.

Ces trois facteurs muséographiques extérieurs à l’oeuvre sont l’éclairage, l’envi­ron­nement et la signalétique.

1. L’éclairage.
L’éclairage joue un rôle fondamental dans l’exposition des oeuvres. Il permet de les mettre en scène, d’orienter le regard du visiteur, voire d’en cacher une partie.

Il existe plusieurs types d’éclairage : il faut d’abord distinguer l’éclairage naturel de l’éclairage artificiel, et ensuite l’éclairage zénithal de l’éclairage latéral, par les fenêtres. La principale influence de l’éclairage sur la perception de l’oeuvre concerne la sensation chromatique. L’accroissement de la lumière fait jaunir le rouge et le vert, et intensifie le bleu et le violet. Par ailleurs, la lumière artificielle transforme le gris en bleu, le bleu en brun, et les couleurs claires tendent à disparaître : la vision de l’oeuvre en est totalement transformée. Selon le peintre Arikha[1], l’éclairage idéal est léger, zénithal, issu de la lumière d’un ciel couvert.

Par ailleurs, la mode de l’éclairage artificiel et modulé semble révolue. Seule l’Ancienne Pinacothèque de Munich a gardé un éclairage naturel, sans complément de lumière artificielle. Mais, cette formule oblige le musée à fermer ses portes tôt dans l’après-midi. Les musées récemment rénovés et réorganisés que sont le Louvre et la National Gallery de Londres ont choisi d’utiliser ces deux éclairages complémentaires, en accordant une place plus importante à la lumière naturelle que par le passé.

A la National Gallery de Londres, dans la nouvelle aile Venturi, l’éclairage est zénithal. La lumière pénètre dans les salles par de petits lanternons, qui reposent sur des voûtes octogonales à pans coupés. La lumière naturelle est filtrée par des vitres dépolies encastrées dans les parois et des volets mobiles modulent la lumière, pour la bonne conservation des oeuvres. Il s’agit de lumière naturelle assistée.

Au Louvre, une analyse par département est nécessaire, car les architectes responsables de leur aménagement respectif ont eu des opinions différentes sur le rôle de la lumière. Le département des peintures françaises fut confié à M. Rota, selon lequel la lumière naturelle est la seule véritable alliée de la peinture. Ainsi, un système d’éclairage latéral, par les fenêtres, et d’éclairage zénithal furent mis en place. Il est complété par un éclairage artificiel au cas où la lumière naturelle serait insuffisante.

Le département des peintures du Nord fut aménagé par M. Pei. L’architecte de la pyramide a opté pour un éclairage zénithal, notamment pour la salle Rubens. Il a refusé la platitude des verrières plafonnantes et a mis en place un système de voussures sur demi-coupoles avec des régulateurs de lumière fixes. Mais M. Pei considère que la lumière artificielle est indispensable.

Il est, en effet, vrai que l’option lumière naturelle fut violemment critiquée à l’occasion de l’exposition Poussin du Grand Palais. Les reflets sur les tableaux empêchaient le spectateur de les apprécier dans leur totalité. Aussi, la formule pour les aménagements futurs semble être la combinaison complémentaire d’une lumière artificielle et d’une lumière naturelle.

2. L’environnement.
Dans A l’Ombre des jeunes filles en fleurs, Proust donne son point de vue sur le musée :
On « présente » un tableau au milieu de meubles, de bibelots, de tentures de la même époque, fade décor qu’excelle à composer la maitresse de maison la plus ignorante la veille, passant maintenant ses journées dans les archives et les bibliothèques et au milieu duquel le chef-d’oeuvre que l’on regarde tout en dînant ne nous donne pas la même enivrante joie qu’on ne doit lui demander dans une salle de musée, laquelle symbolise le mieux par sa nudité et son dépouillement toutes les particularités, les espaces intérieurs où l’artiste s’est abstrait pour créer.

Selon Proust, seul l’environnement neutre du musée permet de replacer l’oeuvre dans son contexte initial, en l’épurant de toute interprétation. Cette « suspensivité » permet à l’oeuvre d’échapper à l’influence qu’apporte toute connaissance historique.

Il n’est pas de notre propos de faire un historique de l’évolution de l’environnement des oeuvres dans les musées, mais rappelons en seulement quelques étapes essentielles. Au XIXème siècle, l’environnement jouait un rôle important. Il était très présent, parce que l’oeuvre appartenait à un décor. Les murs étaient ainsi tapissés de toiles peintes. Il reste un exemple de ce type de muséographie au musée Condé de Chantilly. Selon les volontés du duc d’Aumale, la présentation et l’environnement des oeuvres léguées à l’Institut restèrent inchangés. A l’opposé de cette conception se situe celle dite du courant moderne, où le blanc neutre et absent domine. Le mur ne doit plus exister; l’oeuvre doit être seule face au spectateur. Cette option fut choisie par les musée de Grenoble et Wallraff Richardz à Cologne. Dans les années soixante, le mur neutre triomphait. De nombreux musées, comme les Offices ou l’Ancienne Pinactohèque de Munich, ont choisi des couleurs ternes, l’ocre ou le beige pour couvrir leurs murs.

Aujourd’hui, les dernières rénovations ont fourni de nouvelles solutions. Les murs de l’aile Venturi de la National Gallery de Londres sont gris, selon plusieurs variations. Ces couleurs inspirent une certaine religiosité, ce qui correspond parfaitement à la nature des oeuvres présentées dans cette aile. Des colonnes en pietra serena, la pierre calcaire italienne très prisée pendant la Renaissance, scandent les murs du département. Le lien avec la Renaissance, période à laquelle appartiennent les oeuvres présentées, est immédiat. Alors que les couleurs grises sont souvent choisies dans les musées anglo-saxons (au Metropolitan Museum de New York, par exemple, mais cette affirmation reste à vérifier), les conservateurs du Louvre ont fait d’autres choix, plus originaux et plus risqués. Le choix des couleurs murales fut difficile. Il fallait que ces couleurs ne se remarquent pas, mais ne soient pas, dans le même temps trop « effacées ». Il semble, à mon avis, que ce pari soit réussi. Les couleurs, parfois vives, s’accordent avec les oeuvres présentées et participent à la création d’une ambiance dans laquelle le visiteur évolue.

3. La signalétique.
La signalétique regroupe tous les cartels qui fournissent des informations aux visiteurs du musée. Elle appartient donc à l’entourage immédiat des oeuvres. L’évolution de la signalétique au cours des vingt dernières années est significative de l’évolution qu’a connue le musée pendant cette période. Il y a vingt ans, la signalétique était standard. Les mêmes informations étaient fournies à tous les visiteurs. Aucune hiérarchie n’était en place. La signalétique commence à caractériser l’édifice muséal à partir du centre Pompidou. Tous les renseignements sont encore fournis au même niveau, mais un caractère propre au centre culturel est défini. Aujourd’hui, les cartels tiennent compte des différents intérêts des visiteurs : les informations sont hiérarchisées. D’autre part, chaque musée adopte un caractère spécifique, qui lui est propre et qui devient sa « marque ». C’est le cas au musée d’Orsay et au Louvre, où aucun texte ne peut être inscrit en relief et où le logo « Louvre » est parfaitement défini. Dans l’aile Sainsbury, les cartels portent des caractères en relief. Le matériau de support est proche du bronze, de couleur vert canard.

Les cartels près des oeuvres jouent un rôle évident dans l’interprétation et la perception de l’oeuvre par le visiteur. Les conservateurs cherchent à les rendre les plus discrets possible, et les plus riches d’informations. Ainsi, les renseignements fournis sont hiérarchisés : le nom du peintre et le titre de l’oeuvre sont inscrits en caractères gras, le contenu iconographique ou la provenance sont écrits en caractères simples, et le numéro d’inventaire, la date d’entrée de l’oeuvre au musée ou son donateur sont fournis en caractères de plus petite taille, cette information étant réservée aux spécialistes. Pour rendre le cartel plus discret encore, une nouvelle solution fut récemment adoptée au musée de Grenoble : les informations sont inscrites directement sur le mur. Le Louvre applique cette formule lors de certaines de ses expositions temporaires, comme celle de la collection Prat au printemps 1995.

Les principales règles muséographiques étant exposées, il convient d’examiner leurs applications concrètes dans les musées. Quels sont les choix des conservateurs pour les nouvelles présentations du Louvre et de la National Gallery ? Quelles sont les présentations des oeuvres dans des musées aux muséographies plus anciennes, comme les Offices et l’Ancienne Pinacothèque de Munich ? Et quelle histoire de la peinture est transmise aux visiteurs?

II. APPLICATIONS ET ORGANISATIONS MUSEOGRAPHIQUES RECENTES.

D’après Bather,
… le musée n’est pas seulement un bâtiment ouvert à heures fixes, où on pénètre d’un air digne sinon à contre coeur, pour une petite partie de la population. Il faut un aménagement clair et précis, qui permettra d’accrocher l’attention du spectateur.

C’est la principale fonction de la muséographie, qui adopte des formes diverses selon les musées. Plusieurs facteurs influencent au départ le choix d’un type précis de muséographie. Ainsi, la structure et la composition des collections muséales constituent le premier critère. Les collections de peintures Renaissance de la National Gallery de Londres sont suffisamment diversifiées pour permettre une muséographie comparative, dont nous donnerons la définition plus loin. Inversement, les collections françaises de Louvre sont considérables alors que les oeuvres des écoles espagnoles et anglaises sont largement insuffisantes. Ce déséquilibre oblige une muséographie par école et de façon chronologique.

Nous allons examiner ces deux principaux types de présentation muséographiques : la muséographie traditionnelle, ses défauts, ses qualités et ses innovations, et la muséographie comparative, principalement illustrée par l’exemple anglais.

A. La muséographie traditionnelle : caractéristiques et innovations.

1. Définition générale.
La muséographie traditionnelle consiste en une présentation des oeuvres par école nationale et de façon chronologique. Elle est issue de la Galleria progressiva, née en Italie, et issue d’une association entre les ouvrages de Winckelmann et de Caylus. Une de ses premières applications se situe dans la galerie de Vienne, où Van Meckel fut chargé de réorganiser les collections impériales en 1784. Il s’agit d’une synthèse entre l’histoire et l’histoire de l’art.

En France, cette conception fut imposée progressivement par J.-B. P. Le Brun, lors de la fondation du Museum. Elle demeure ensuite dominante et générale dans la plupart des musées. Au Louvre, elle permet de mettre en valeur la richesse des collections de peinture française et de peinture flamande et hollandaise, et de masquer les lacunes des collections de peinture italienne et les insuffisances des collections anglaises et espagnoles. Aux Offices, les peintures de l’école florentine et toscane constituent la majorité des oeuvres présentées. Elles occupent la moitié de la surface muséale. Dans ces deux cas, la muséographie par école et chronologique était indispensable, pour une présentation claire des collections et de l’histoire de la peinture.

2. Inconvénients, avantages et innovations de la muséographie traditionnelle.
a) Les problèmes posés par la muséographie traditionnelle.
* Cette muséographie ne permet pas de comparaison entre les écoles et/ou entre plusieurs périodes chronologiques. Par exemple, Chardin fut très influencé par Largillière au début de sa carrière. Au Louvre, on ne peut comparer l’incidence du second sur le premier. De même, on ne peut plus apprécier, comme Ruskin, la comparaison entre deux représentations presque contemporaines de la fête, La Kermesse de Rembrandt de 1635, et Le triomphe de Flore de Poussin de 1627.

* Le risque majeur réside dans l’accumulation d’oeuvres sur une surface limitée. C’est de moins en moins le cas. Mais, dans le département des peintures flamandes et hollandaises du Louvre, le choix fut délibérément fait d’accumuler les oeuvres sur les murs pour recréer l’ambiance des cabinets d’érudits, tels qu’ils existaient au XVIIème siècle dans les pays du Nord. Cette nouvelle présentation est cependant antididactique. L’amateur ou le touriste, qui n’ont souvent que des connaissances sommaires, ont du mal à se situer chronologiquement. Bien plus, les oeuvres d’un même artiste ne sont pas systématiquement présentées au même endroit. Le Louvre ne parvient pas à recréer l’ambiance des petits cabinets. D’abord, ces cabinets étaient plus petits, la présentation des oeuvres était organisée dans un ordre précis, les paysages étant placés en haut, puis les personnages, les natures-mortes et les peintures de paysans. Ces cabinets étaient largement éclairés, ce qui manque au Louvre. Par ailleurs, les cabinets d’amateurs étaient des lieux privés, pour une jouissance intime des oeuvres d’art et non des lieux publics monumentaux. Enfin, certaines oeuvres étaient exposées sur des chevalets pour être examinées de plus près.

b) Avantages de la muséographie traditionnelle.
La muséographie traditionnelle permet une présentation claire pour les néophytes en histoire de l’art. Il leur faut plusieurs points de repères clairs. La muséographie comparative peut aboutir à des confusions. Par exemple, Chardin s’inspire, dans ses scènes de genre, de la peinture hollandaise et notamment de P. de Hooch. Mais, exposer une oeuvre de P. de Hooch à côté des tableaux de Chardin pourrait être mal interprété.

c) Innovations de la muséographie traditionnelle.
L’exemple du département des peintures françaises du XVIIIème siècle du Louvre est significatif des innovations récentes entreprises dans le cadre d’une muséographie traditionnelle. L’ordre chronologique est respecté et les oeuvres d’un même peintre sont présentées dans plusieurs salles pour le respecter. Cela nuit à la compréhension de l’oeuvre du peintre, mais permet de l’intégrer dans le contexte de la création contemporaine. C’est le cas pour les oeuvres de Boucher.

La principale innovation du département réside dans la présentation de dessins préparatoires et de portraits en pastel, dont la mode se répandit dès le début du siècle en France parallèlement aux portraits peints. Le visiteur peut ainsi avoir une vue globale de la pratique du portrait au siècle des Lumières.

La muséographie traditionnelle présente donc un certain nombre d’inconvénients et d’avantages, mais son caractère pratique et son adaptation à tout type de collections font qu’elle est largement majoritaire au sein des musées.

3. La muséographie comparative : l’exemple anglais.
La nouvelle aile de la National Gallery de Londres est le résultat d’une initiative pionnière en matière de muséographie. Les peintures de la Renaissance européenne sont présentées, non par école distincte, mais sont mises en comparaison pour que le visiteur prenne conscience des influcences réciproques entre le Nord et le Sud de l’Europe.

Les collections de la National Gallery permettent une telle présentation. Elles sont riches et variées. Un tel choix pose cependant un certain nombre de problèmes, notamment en ce qui concerne les limites chronologiques. Les conservateurs ont choisi la limite de 1510. Dans ce cas, où placer les dernières oeuvres de Raphaël ? Les transitions avec la muséographie traditionnelle sont parfois difficiles : il est habile de passer du XVIème siècle vénitien aux oeuvres de Claude Lorrain, mais il est moins élégant de passer de la grande peinture baroque aux petits tableaux du rocaille français. Le talon d’Achille de cette présentation réside donc dans un manque de continuité, ce qui peut nuire à la vision globale de l’histoire de l’art que pourra en retirer le visiteur.

Une telle présentation muséographique a eu et aura des répercussions importantes dans plusieurs musées d’Europe. Les conservateurs en charge de la réorganisation de la Gemäldegalerie de Berlin y pensent après les nombreux achats réalisés pour les peintures des XVIIème et XVIIIème siècles.

Par ailleurs, la comparaison entre les oeuvres comprend plusieurs degrés. L’Ancienne Pinacothèque de Munich pourrait consacrer une salle pour la présentation des oeuvres traitant de la Tour de Babel. Le visiteur pourrait comparer les différentes façons de peindre un même thème. A Rouen ou à Dijon, plusieurs genres d’une même période peuvent être présentés dans une même salle : objets d’art, oeuvres peintes, modelli de sculptures. A Dijon, la salle XVIIIème siècle présente des commodes Riesener, les oeuvres de Hubert Robert et les modelli de Bouchardon pour la fontaine de la rue de Grenelle (1739-45). Le visiteur peut ainsi avoir une vue globale sur la création d’une période donnée. C’est également le cas au Louvre dans l’espace consacré aux arts sous Diderot.

La muséographie traditionnelle est certes dominante dans les musées que nous avons choisi d’étudier. Mais, des expériences annexes sont entreprises pour donner une autre vision de l’histoire de l’art.

La muséographie comparative est plus difficile à réaliser, car il faut des collections très riches et variées pour toutes les écoles.

Mais, la muséographie comparative comprend plusieurs niveaux. Elle peut être chronologique, entre plusieurs écoles, plusieurs genres ou plusieurs thèmes. Chaque musée adopte ses propres solutions en fonction de ses collections,
de son bâtiment et de son budget. De nouvelles expériences muséographiques sont en cours, d’autres sont à venir : le pays des prochaines études muséographiques est l’Allemagne. Les musées de Berlin et de Munich sont en cours de réorganisation.

Maria-Anne PRIVAT