Johanna O’BYRNE

S’interroger sur l’existence d’une identité culturelle européenne suppose un travail de recherche historique antérieur, pour se demander si cette identité a marqué les peuples réunis géographiquement sur le continent européen.

Une continuité logique

De fait, l’histoire de l’Europe est marquée par une sorte de continuité logique pour les européens que nous sommes. Nous avons étudié, au minimum par le biais de nos différentes histoires nationales, certains liens transeuro-péens, quitte à ce que ce soit ceux de guerres et de leurs pacifications. Et, justement, au fil de cette histoire européenne, nous ne pouvons que remarquer des phénomènes cycliques de rapprochement et de séparations. Une sorte de continuité par des remises en question sans cesse renouvelées.

L’Europe se démarque par son histoire cyclique faite de périodes centripètes suivies de périodes centrifuges. Rassemblement et dissensions des peuples européens en conséquence de quoi notre propos reviendrait à recouvrir, au fil du patrimoine historique de l’Europe, ces périodes centripètes – type vers lequel l’Union Européenne est aujourd’hui engagée – et les périodes centrifuges, en essayant de comprendre les phénomènes explicatifs de ces cycles conflictuels, véritables tensions dynamiques de notre continent.

Mais il ne s’agit pas ici seulement d’histoire. Il s’agit, dans l’histoire de l’Europe, de s’intéresser à son identité culturelle. « Identité », « Culture », deux termes complexes et ambigus à définir de par l’étendu de leurs champs d’application.

Caractère de ce qui est commun, l’identité s’énonce scientifiquement par A est A ou l’équation A=A. Concernant des individus, et plus encore des sociétés, l’identité relève d’un schème d’appartenance. Elle est au confluent d’une hérédité sociale, ensemble d’attributs symboliques traduits en termes filiatifs, religieux et sociaux. Existe-t-il une véritable cohérence dans la transmission de ces patrimoines en Europe pour les citoyens européens d’aujourd’hui ?

Cette cohérence, de plus, est culturellement codée. C’est par un ensemble de rituels que se produit l’identification. Reste à savoir quels sont ces rituels, et en quoi les européens s’y reconnaissent les uns les autres.

Antonin Artaud affirmait que « la culture demeure le moyen raffiné de comprendre et d’exercer la vie ». Se pose en conséquence la question de savoir si les européens ont un héritage culturel commun suffisant pour réaliser l’Union Européenne, soit l’exercice commun de leurs vies.

S’intéressant aux problèmes d’acculturation et aux relations interethniques, Sélim ABOU[1], tente de définir, dans un premier chapitre, l’identité culturelle. Nous l’avons constaté, ce concept relève d’un champ plutôt vaste. Et les critères sur lesquels Sélim ABOU formule ce concept paraissent suffisamment notables pour les suivre. Il s’agit des critères de race, de la langue et de la culture. Critères proches de ceux de l’ethnicité qui se trouvent en nécessaires et intensives relations pour former l’identité culturelle d’un ensemble de société, pour ce qui nous concerne. Or ces trois critères sont la source même des divergences et des convergences de l’histoire européenne.

Ces différentes considérations nous amènent à nous poser un certain nombre de questions. Retrouve-t-on une identité européenne à travers ces différents critères ? Y a-t-il eu, au cours de l’histoire de l’Europe, une période pendant laquelle ces critères ethniques et sociaux se sont révélés critères de convergence des populations européennes ?

Et, finalement, quelle leçon tirer de cette histoire riche pour une Union Européenne efficiente et répandue auprès de ses populations ? Y a-t-il lieu, pour l’Union, d’aspirer à une identité culturelle ou lui faut-il, plus modestement, accepter la multitude de ses identités et de ses modes de vie au sein d’une union cohérente des peuples européens.

Pour tenter de répondre au mieux à ces différentes interrogations, la population européenne nous intéressera en tant qu’entité dans un premier temps ; peuplement dont résulte un héritage culturel pluriethnique, il n’en reste pas moins l’un des premiers à développer le jeu de forces sociales au sein de frontières revendiquées.

Puis, consubstantielles à ces entités des peuplements européens, nous étudierons leurs langues, porteuses d’une cosmogonie européenne, mais aussi d’une prise de position nationale; et leur culture, prise dans son sens de pratique sociale, à la fois inspirée par de grands mouvements trans-européens, mais aussi moyen d’imprimer une personnalité propre.
Deux mises en garde s’imposent avant d’entrer dans le développement de notre propos.

L’histoire, selon la manière dont elle est traitée, n’est pas innocente. Se pose alors un problème d’ordre épistémologique quant aux ouvrages et aux auteurs de références sur ce thème. Marc Ferro, dans le Manières de voir consacré à l’Europe[2], traitait avec justesse de ce problème des sources d’une science prenant ici une nouvelle dimension. Cette difficulté d’ordre épistémologique est à marquer d’autant plus en considérant que l’histoire fait référence à des étapes historiques qui ne sont pas vécues comme telles par leurs contemporains. En conséquence de ces mises en garde ce travail pourra paraître imparfait pour les spécialistes puisqu’il est l’objet d’un choix d’éclairage.

Par ailleurs l’histoire n’est pas la même pour tous ses contemporains. Elle se divise même en deux pour deux types de populations, une immense majorité, qui suit le mouvement, et les élites qui sont les acteurs de ce même mouvement. Ces élites ont certainement été européennes, se sont identifiées les unes aux autres entre pays européens. Une typologie d’élites se retrouve à travers l’histoire européenne. Les familles de l’aristocratie européenne, issues de mariages contractés au gré des paix à signer ou des puissances étatiques à valoriser. Mais aussi les élites intellectuelles et artistiques, dont les ouvrages sont traduits, si nécessaire, lus et commentés dans toute l’Europe, ou qui n’hésitent pas à se déplacer, souvent à la demande et au profit de la première de ces élites, pour se produire au travers des pays de l’Europe.

Deux types d’élites qui donnent justement une cohérence à l’évolution de l’histoire européenne, sans pour autant favoriser auprès du plus grand nombre ce sentiment d’unité. Et il nous paraît nécessaire aujourd’hui de s’intéresser plus encore au grand ensemble que forment les populations intégrales dans l’histoire de l’Europe.

Les populations européennes

Il apparaît dans un premier temps nécessaire de synthétiser la situation des différentes populations installées sur le territoire européen aux origines de son histoire. De fait, ces races sont importatrices de rites et de pratiques culturelles qui forment l’esprit des premières civilisations européennes. Sur ce point, et suivant les auteurs de l’ouvrage Aux sources de l’identité européenne, nous ne pouvons que constater le fait que « notre Europe apparaît, culturellement, comme l’indo-européanisation d’un substrat néolithique, modelée par l’héritage classique, la christianisation, et, enfin, le génie propre de chacun de ses peuples »[3].

Une mosaique constituee autour des races de souche indo-europeenne

La multiplicité raciale européenne

Les premières races européennes

Lors de la protohistoire, les premières races ont permis le développement de la révolution néolithique, à savoir une sédentarisation due à un premier développement de l’agriculture et de l’élevage, c’est à dire les débuts d’une économie mixte.

Cet essor agricole implique un certain élan culturel. L’évolution est particulièrement présente en Europe orientale où se développe une culture dite « Vieille Européenne », avec un certain nombre de vestiges visibles. En particulier, des sépultures nous font remarquer l’existence de rites funéraires, et, en conséquence, les prémices d’une cosmogonie; cosmogonie qui met particulièrement en exergue la déesse mère nature. Ce développement est essentiel pour les cultures postérieures[4].

Outre ce phénomène des débuts dits culturels, la protohistoire va être la période de prise de conscience par les peuples concernés de la géographie de leur territoire. Et au IIIème millénaire avant notre ère apparaissent les guerres et la notion de hiérarchie au sein du groupe.

On remarque particulièrement trois zones correspondant à des civilisations en plein essor, qui, avec l’acquisition de l’écriture feront passer l’Europe de la Proto-histoire à l’Antiquité.

La culture minoenne, tout d’abord, se développe sur l’île de Crète. L’évocation de cette composante de la civilisation égéenne est l’occasion pour nous de rappeler le mythe d’Europe, fille du roi de Phénicie, enlevée par Zeus et mère du roi Minos. Ce mythe paraît intéressant pour deux de ses aspects, l’influence mythologique certaine, d’une part, tenue par les Crétois pour les Achéens, futurs Grecs arrivés plus tardivement, et, d’autre part, par le fait qu’il permet de souligner la venue d’une culture à partir du Proche-Orient, alors qu’Europe vient du continent asiatique. Cette civilisation raffinée sera adoptée partiellement par les Achéens, conquérants d’origine indo-européenne qui, par le phénomène du syncrétisme, donneront naissance à la civilisation mycénienne, lors de leur descente vers la mer Egée. L’influence essentielle des crétois se manifeste en particulier par leur adoption de l’écriture syllabique, dite du linéaire B.

Le groupe, plus disparate mais non moins influent, des Etrusques est installé sur la péninsule italienne. Civilisation urbaine qui se développe au VIIIème siècle avant notre ère, les Étrusques sont les fondateurs de Rome, et par là même du mythe de Romulus et Rémus, elle influencera les Indo-européens arrivés plus tardivement, non seulement par leur connaissance de la construction mais encore par leur art.

Enfin, dernière grande civilisation de transition vers l’Antiquité, les proto-Celtes, d’origine indo-européenne des premières vagues. Les historiens les définissent à partir de leurs pratiques mortuaires, puisqu’on parle d’une « culture des tumulus », qui se transformera vers des pratiques de type « culture des champs d’urne » au Ier millénaire d’avant notre ère. Cette culture, mis à part l’incinération de ses morts, développe énormément le travail du bronze.

Les ethnies indo-européennes

La plus grande partie des peuples d’origine indo-européenne sont arrivés à partir de la période du deuxième millénaire avant notre ère. On reconnaît quatre groupes principaux pour ce qui concerne l’Europe :

Les Hellènes, ou Grecs, terme qui rassemble tout à la fois les Ioniens et les Achéens. Ces peuples indo-européens viennent du Nord. Ils s’organisent en de multiples principautés, avec un important développement de la force militaire et de la législation des conflits. Leur arrivée dans la violence, entre autre, mettra fin à la civilisation minoenne dont ils adopteront partiellement certains traits. Avec Alexandre le Grand, la civilisation grecque devient « hellénique » en s’enrichissant du développement culturel du Proche-Orient.

Les Italiques, de leur côté, s’installent vers la péninsule italienne. Ils se subdivisent en deux sous-groupes, les Osco-ombriens et les Romains. Suivant la même période de développement que les précédents, a lieu une première phase d’acculturation étrusque, puis à partir de la soumission grecque, une période florissante avec l’adoption de l’hellénisme.

Quant aux Celtes, ils se répandent par vagues successives sur une vaste étendue géographique, sans unité politique, mais rassemblés par des liens tant linguistiques que religieux, au point que certains parlent d’une « Europe celte »[5]. On les retrouve de l’Europe occidentale (Gaulois…) jusqu’à la Grèce, cependant les permanences de cette civilisation ne subsisteront principalement qu’en Irlande et dans l’actuelle Grande-Bretagne ( Ecosse et Pays de Galles).

La dernière vague des arrivées de ces peuples d’origine indo-européenne a lieu plus tardivement et de façon définitive face aux régions culturellement les plus développées. Arrivée qui s’explique tant par des nécessités écologiques que par des pressions d’autres peuples venant de plus à l’est encore, les mongols. Il s’agit des grandes migrations qui mettront finalement un terme à la culture classique de la phase historique de l’Antiquité. Il s’agit des Germains, nom générique postérieur commun d’une multitude de peuples venus de Scandinavie, arrivés par vagues successives entre 2000 et 500 avant Jésus-Christ. Leur arrivée est d’abord pacifique jusqu’à l’Empire romain d’Occident, où ils sont intégrés, en petit nombre, souvent en tant que mercenaires de l’armée romaine. Ce n’est qu’au début de notre ère qu’ils franchiront massivement le limes romain de façon déterminante. On distingue parmi ces différents groupes les Lombards, les Francs, les Angles, les Saxons, les Wisigoths…

Outre ces quatre grands groupes, ne peuvent être négligés les Slaves, dont l’origine d’arrivée, plus tardive, est également plus floue. Ce retard dans leur implantation géographique la rendra de fait plus conflictuelle.

Par ailleurs, les Baltes, également arrivés aux environs de 2000 avant notre ère se dirigeront moins vers les territoires occidentaux de l’Europe, s’étendant au contraire du nord au sud de la partie continentale de l’Europe, à savoir jusqu’à ce qui correspond à la Biélorussie actuelle.

Il est entendu qu’aucun de ces peuples n’a alors notion de son « européanité ». L’idée même de territorialité, notion géographique sous-tendue d’idéologie, n’apparaît qu’avec les Grecs, comme nous amène à le constater les apports culturels de ces différents groupes de populations.

Apports culturels de ces groupes installés sur le territoire européen

Les apports culturels des différents groupes originels.
Si nous voulons relever les apports culturels des groupes d’origine indo-européenne, il convient de noter toutefois que les races Indo-européennes ont certainement développé une culture des plus brillantes plus du côté de l’Orient que l’on retrouve en particulier en Iran ou encore en Inde.

Edgar Morin reconnaît à l’Europe la parenté et l’épanouissement de trois grands courants de pensée, le rationalisme, la science et l’humanisme[6]. En suivant l’exposition de cette idée, nous pouvons en reconnaître certaines prémices dès cette période historique :

La pensée rationnelle, et, en relation, la philosophie et une cosmogonie (en tant que appréhension par l’homme du monde dans lequel il vit) sont explorés en premier lieu. Issus de la période helléniste, ces développements des idées se poursuivent en plusieurs directions. La prise de conscience de la valeur de l’homme, comme nous allons le voir, mais également, et de façon inséparable pour ces premiers penseurs pluridisciplinaires, celui des sciences. La notion d’une dignité humaine émerge avec la première conceptualisation de la démocratie grecque. Suite à l’hellénisation partielle de Rome se développent alors le droit écrit et l’esprit constitutionnaliste, mais aussi la notion de citoyenneté. Parallèlement on assiste au développement de la Cité, l’Urbs, et d’un système administratif des gouvernants à partir de Rome.

Par ailleurs, et cette fois non répertoriées par Edgar Morin, des influences celtes et germaniques, bien que moins brillantes, ne sont certainement pas à négliger non plus pour les modes de vie mais aussi l’imaginaire de l’Europe actuelle. Ainsi en est-il de l’organisation familiale, avec des influences d’organisation clanique, voire même du rôle et de la position de la femme, domaines pour lesquels il nous faut nous ramener aux lois bretonnes des sociétés celtiques par exemple. Mais surtout, ces deux cultures primitives, de tradition orale, ont transmis un capital essentiel du merveilleux au travers des sagas et des contes, dont ces deux civilisations sont très riches.

Tout comme on ne peut dire que la culture classique européenne est le fruit direct des races de souche indo-européenne, puisque celles-ci ont profité des développements amorcées par les sociétés préexistantes à leur arrivée, leur véritable maturation n’aurait pu se développer vers l’identité européenne actuelle sans un certain nombre de rencontres culturelles essentielles. Et ceci bien que ces rencontres n’aient certainement pas eu lieu de façon aussi simple que l’acquis d’aujourd’hui pourrait le laisser penser.

L’Europe doit beaucoup notamment au Proche-Orient. L’essentiel des bases de ses techniques et scientifiques en proviennent. Les développements de ces différents domaines d’ailleurs ont lieu en parallèle des évolutions dont nous avons parlé précédemment, et s’y imbriquent historiquement. Sans les Sumériens, les Egyptiens et les Sémites, l’écriture, l’astronomie, les mathématiques, la médecine et la pharmacopée… n’auraient pas eu la même évolution.

Le monothéisme et la Bible du judaïsme, par la diffusion lente de leurs idées, vont apporter à l’Europe l’épanouissement d’une nouvelle cosmogonie. Ces concepts peuvent être mis en interrelation avec ce qui est considéré comme l’humanisme. Se développe en effet, au travers de la foi, une morale validant les idées premières d’isonomie grecque. Par le judaïsme apparaît le christianisme, élément des plus essentiellement formateur de la culture européenne. Il est à noter d’ailleurs un probable syncrétisme entre le christianisme et les religions d’origine indo-européennes lorsque l’on remarque la trilogie divine des chrétiens Père, Fils et Esprit Saint, mais aussi pour ce qui concerne les pratiques et les dates rituelles[7].

L’Islam, enfin, marque l’évolution de la pensée à partir de l’hégire (622 de l’ère chrétienne). Culture transnationale ouverte aux cultures non-musulmanes dans un premier temps, elle va permettre la transmission de savoirs entre ces différentes civilisations. De cette première ouverture aux autres, contrairement à la jeune chrétienté, religion d’Etat depuis le IVème siècle, va découler une fuite vers ses territoires, transformés en véritables terres d’accueil pour un certain nombre de détenteurs du savoir classique, restés païens. Il en est ainsi des derniers philosophes païens d’Alexandrie, ou d’autres chrétiens non orthodoxes. Véritable médium, l’Islam va transmettre cette essence à un certain nombre de penseurs de la chrétienté, avec une plus ou moins grande capacité. Et ce sera entre autre grâce à Avicienne ou Averroes, Maures du XIème siècle que seront transmises et surtout poursuivies les grandes pensées platonicienne ou aristotélicienne de la culture classique.

Des peuplements européens qui, au fil de l’histoire, donnent l’impression de la réussite d’un certain éclectisme, véritable melting-pot ethnico-culturel européen.

Après la rupture que marquent les grandes migrations à partir du Nord, l’histoire se scinde pour mettre fin d’une façon définitive à la période glorieuse de l’Antiquité dans l’empire romain d’Occident, alors que l’évolution n’est pas du tout la même dans la partie orientale de l’empire romain.

Il convient de noter que, d’une façon générale, ces différents peuples sont des héritiers inégaux de ce que l’Europe revendique comme son patrimoine culturel antique. De plus, leur évolution va se dérouler de façon parallèle, qui plus est dans des zones souvent séparées géographiquement. Ce qui permet l’essor de sociétés variées.

Par ailleurs, la difficile frontière Est de l’Europe, que certains considèrent comme étant la péninsule du continent eurasien, va se fixer à une frontière de la culture, c’est à dire de la façon la plus mobile et instable qui soit.

Une intolérance récurrente malgré cet héritage pluri-ethnique

La période médiévale est certainement, en prenant compte notamment des recherches de l’historien Jacques Le Goff, l’une des plus formatrice pour l’Europe. De fait, on y retrouve au fil de ces siècles, longtemps considérés comme obscurs, une multitude de données nouvelles pour cette zone géographique. En premier lieu, ce sont les frontières qui sont ébauchées autour de petits royaumes; avec un phénomène de séparation irrémédiable d’avec la partie orientale du continent. Frontières qui, au fil de l’acquisition d’une souveraineté des États, gagnent en légitimité et en défense nationale. Et, au sein même de ces frontières, se développent de nouveaux modes de vie sociales auxquelles correspondent par ailleurs de nouvelles peurs autrement canalisées.

Dessins de nouvelles frontières.

À la chute de Rome, et consécutivement aux grandes invasions, l’équilibre frontalier européen est totalement remis en question. C’est une organisation en petites communautés autarciques qui se développe bien avant la mise en place du système féodal. Mais surtout, après une dissension théologique importante l’Europe se développe définitivement en dehors de tout contact avec l’ex-Byzance.

Du « limes » au schisme oriental

Les Grecs avaient conscience de leur existence propre par rapport aux « barbares ». L’étymologie même de ce terme est par ailleurs révélatrice de la considération qu’ils portaient à ceux n’appartenant pas à leur culture, puisque barbare correspondrait à un borborygme de ceux qui ne parlent pas le grec.

Héritiers de la culture grecque, les Romains poursuivent cette idée d’une communauté soudée face à l’ennemi potentiel. Pourtant cette communauté ne se fonde pas non plus pour eux sur la base d’une langue-culture similaire mais bien plus sur une communauté de droit-citoyenneté. Citoyenneté qu’il convient de protéger par une armée en relation avec le système administratif et surtout par des zones frontalières défendues de façon structurée.

C’est ainsi qu’apparaissent des « limes », ultimes frontières de l’Empire romain, qui reste centré autour de la « Mare nostrum ». Zone militarisée, souvent fortifiée, elles se poursuivent du Mur d’Adrien, au nord de l’Angleterre, sur une ligne horizontale à travers le continent européen et traversant la partie est de l’actuelle Allemagne.

Surtout, ce qu’il convient de noter en parallèle de cette conception de la frontière qui apparaît alors, c’est cette notion de citoyenneté nouvelle, accessible à tout homme libre. Il y a donc un très fort sentiment d’appartenance commune de la population, au sein d’un territoire défini, et sous une autorité propre. Trois conditions à la définition constitutionnelle de l’État, et, en cela, force est de constater l’héritage juridique romain dont l’Europe sera la première bénéficiaire. Le sentiment d’appartenance atteint son apothéose sous Théodose, à la fin du IVème siècle, et décline ensuite en conséquence de la décadence de l’Empire.

Il est important de souligner que l’Empire se reconnaît sur tout le pourtour de la Méditerranée. Et, notamment, en conséquence des territoires conquis, la Rome se retrouve sur son versant oriental, autour de la ville-capitale de Byzance, baignée de culture hellénique, devenue Constantinople lorsqu’elle est transformée en capitale de l’Empire en 330 par l’empereur Constantin. Le développement de Constantinople est des plus brillants, bien qu’il se heurte à une opposition d’ordre politique avec la partie romaine de l’Empire. Alors que Rome est mise à mal par les nouveaux barbares, venus de Germanie, Constantinople revendique sa position de capitale, en ligne directe de l’ancienne prépondérance de Rome. Pourtant la Rome mise à mal campe sur ses positions et s’oppose à une telle situation. L’Empire devient bicéphale.

A ces divergences politiques vont se surajouter des difficultés d’ordre religieux. La chrétienté, devenue religion d’État au IVème siècle, se concentre sous l’autorité papale de Rome, et, en même temps, se trouve régie par le dogme. Or, Constantinople ne partage ni la reconnaissance du Pape, auquel il préfère son Patriarche, ni la reconnaissance dogmatique. Après la crise iconoclaste, l’opposition religieuse atteint son paroxysme au Xème siècle, pour, finalement aboutir au schisme de 1054 et à la forme orthodoxe du christianisme.

La séparation d’avec Constantinople va être consacrée par l’épisode des croisades, qui, à quatre reprises, voit arriver les barbares de l’ex-Empire romain dans une Constantinople mise à mal par les Turcs. Ces Germains qui ont mis un terme à l’Empire romain, mais en ont finalement adopté les pratiques et surtout la religion, viennent « défendre les Lieux Saints » et tombent en admiration devant la richesse, le développement et le raffinement de Constantinople par laquelle tous passent, étant le lieu ultime de la chrétienté. Le quiproquo était grand avec les romains d’Orient qui, s’ils avaient bien appelé à l’aide les descendants de l’Empire romain, ne demandait cependant qu’une aide de mercenaires pour les soutenir face à l’arrivée des Turcs. Mais ces arrivées massives de soldats au nom de la chrétienté répondaient aux intérêts propres de l’Eglise d’Occident, en manque de mobilisation sur son terrain où les révoltes et mouvements sectateurs se multipliaient. Le résultat ne sera pas brillant alors qu’ils ne seront considérés que comme des barbares, par les Byzantins, mais surtout par les Turcs, qui ne voient pas là une guerre de religion mais bien plutôt des pratiques de raids barbares. Enfin, le royaume de Jérusalem dirigé par Godefroy de Bouillon ne sera qu’éphémère, sans plus aucun soutien de la part de Rome.

Finalement, la frontière sud-orientale de l’Europe se fera au bon vouloir des Turcs, alors que la partie occidentale ne réagira pas à la prise de la capitale de l’Empire byzantin en 1453, et ne se manifestera pas plus lors du siège de Vienne au XVème siècle.

Parallèlement à cette frontière va se dessiner peu à peu le conflit de la frontière sud-est de l’Europe. Là même où les Slaves s’installaient tardivement, vont se renouveler régulièrement dès cette période du haut Moyen Âge des conflits avec les Germains.

Conflit qui se trouve par ailleurs attisé au moment de la conversion des Slaves, alors que s’opposent l’obédience romaine, propagée par les Germains, et l’obédience byzantine. Et ce alors que la configuration géographique même pousse les Slaves vers Byzance, les mettant dans l’erreur pour leurs voisins Germains. Ce qui explique sans doute les croisades répétées des Chevaliers teutoniques vers cet Est difficilement dominable. Ainsi, les Baltes, dont l’évolution médiévale est plus tardive, ainsi que sa conversion, formeront finalement la limite est de l’Europe. Et ce, alors qu’ils joueront très vite un rôle économique important sur la zone scandinave jusqu’au XVIIIème. La Russie ne se posant comme « européenne » qu’avec Pierre-le-Grand.

À l’intérieur de ces frontières, un développement médiéval unitaire.

La période médiévale est reliée à l’Antiquité romaine par la propagation croissante du christianisme à travers les peuples diversement installés sur le territoire européen. Il convient de souligner l’imprégnation du christianisme par l’organisation de l’Empire Romain. En effet, quelques années après l’Édit sur la liberté des cultes, le christianisme devenait religion officielle en 394. Les implications de cette législation religieuse vont avoir une multitude de conséquences. Et, première d’entre toutes, l’Eglise calque sa hiérarchie sur l’organisation romaine même.

Cette proximité tant organisationnelle que géographique va transformer l’autorité ecclésiastique en autorité tout court alors que l’Empire Romain se trouve en déliquescence dès le Vème siècle. Et, finalement, l’Église sert de véritable trait d’union avec le Moyen Âge, étant détentrice des attributs essentiels d’une puissance civile. Ainsi l’enseignement, la justice, l’équivalent de ce qui est considéré aujourd’hui comme la couverture sociale, sont assurés par les différents ordres religieux. Ces attributs sont d’autant plus essentiels que les prérogatives régaliennes ne sont plus assurés par l’État, dans cette période de tourmente des grandes migrations. L’Église domine l’organisation sociale de cette période du haut Moyen Âge et l’imprègne consécutivement d’un certain nombre de ses valeurs. Ainsi en est-il de la notion du travail, mis en valeur au sein des monastères alors en plein développement, mais qui inspire aussi l’organisation du temps des croyants.

Ainsi, petit à petit s’organise un nouveau mode de vie, héritier de l’Antiquité romaine, mais essentiellement façonné par la chrétienté, en parallèle des bouleversements politiques. Après une période de déclin, les villes se développent à nouveau. Elles sont le lieu d’un renouveau économique et aussi d’essor d’une nouvelle classe, la bourgeoisie. Le développement économique est facilité par la mise en place de corporations des artisans. Et ces rassemblements sont parallèlement lieux de contestation. La bourgeoisie acquiert, au cours des siècles, des libertés civiles et politiques face aux pouvoirs étendus des seigneurs de la féodalité installée par les carolingiens. Ce sont des chartes médiévales qui, pour l’essentiel, permettent de codifier ces acquis des bourgs.

Ces mouvements de contestation et le développement de la bourgeoisie ont certainement été également favorisés par le renouveau scolaire. Le Haut Moyen Âge voit se propager les écoles monastiques, puis, au sein des bourgs, les écoles cathédrales. L’évolution logique de ce développement verra naître en faible nombre des Universités au XIIème siècle.

Pour chacun de ces domaines se répète l’importance de la période du VIIIème siècle, à tel point que les historiens parlent de « Révolution carolingienne ». Période d’un certaine restauration impériale avec le couronnement de Charlemagne en l’an 800 qui redonne à l’Europe un sentiment d’unité, en parallèle bien entendu de l’unité chrétienne alors que la majorité des peuples ont été convertis. Période d’apaisement et d’unité politique, d’amélioration économique, la renaissance carolingienne permet de développer les domaines de l’intellect. Ce sont de nouvelles écoles, mais également une redécouverte des textes classiques par le biais du monde musulman (les Maures d’Espagne) ou encore par la conservation qu’en ont fait les moines irlandais ou lombards. Ce ne sont pas tant ces redécouvertes, qu’un développement intellectuel et artistique qui apparaissent alors avec le développement de l’art courtois dans les cours féodales, mais aussi des réflexions profondes telles que celle concernant la séparation des pouvoirs spirituel et temporel.

Dans cette considération partiale du Moyen Âge se constate un sentiment d’européanité de façon unitaire pour ces élites nouvelles, sentiment profond qui demeure jusqu’à la période des Temps Modernes. Pareillement, par le renouvellement des penseurs mais aussi la revendications des populations, des idées politiques sont essentielles à l’esprit humaniste qui sera prôné par les européens de la Renaissance jusqu’aux Temps modernes.

Il ne s’agit pas de tomber dans un discours dualiste de l’histoire. Le Moyen Âge, s’il n’est pas la période unique durant laquelle l’unité européenne semble exister, est certainement très formateur pour la société européenne. Et ce tant par les dynamismes multiples qu’il permet, que par l’émergence de pratiques qui vont dans un sens contraire à ces développements positifs.

Christianisme et pouvoir politique

L’Église chrétienne ne prend pas seulement une position hégémonique du point de vue organisationnel. Son rapprochement du pouvoir à partir du Vème siècle implique d’autres conséquences que l’instauration d’une nouvelle hiérarchie. En effet, devenue religion d’État, elle prend désormais poids lors de décisions politiques, et adopte en conséquence des positions adéquates à son nouveau statut. Sur une période relativement rapide, le dogme chrétien va s’orienter vers une restriction des libertés. L’Église s’adapte restrictivement et prend des positions conservatrices, intolérantes, face à la réalité politique qui, bien que troublée, demeure sous sa responsabilité.

Il s’agit en fait d’une véritable prise de position contre ceux qui troublent l’ordre public. Ce rappel des faits est sans doute nécessaire pour resituer le contexte de la difficile période du grand schisme entre chrétiens d’Orient et chrétiens d’Occident.

En effet, si le Grand Schisme à proprement parler n’a lieu qu’en 1054, donnant naissance à une Église grecque orthodoxe et une Église latine catholique sans plus de solidarité réciproque, du Vème au XIème siècle, ce ne sont qu’accumulations de quiproquos et conflits. Nous avons déjà constaté les malaises qu’impliquent les croisades qui ne font que souligner l’évolution de la Chrétienté en deux mondes distincts. L’autre grand point de désaccord apparaîtra durant la querelle des iconoclastes au VIIIème siècle.

C’est le début de la prise en main de la société par l’Église catholique. Elle est le résultat de la considération qu’une seule vérité est détenue intégralement par l’autorité ecclésiastique catholique, se voulant universaliste. Si bien que toute autre doctrine de la foi chrétienne est désormais refusée, sous prétexte d’hérésie.

Par ailleurs, le catholicisme adopte une attitude menaçante pour les croyants, abusant de conceptions manichéennes. Le millénarisme a alors de fortes conséquences sur la liturgie chrétienne, et, du début des écritures à cette période médiévale, l’Église impose une image d’elle puissante parce que détentrice de la Rédemption. Ce qui explique une facilité à des pratiques matérielles éloignées de la théorie.

Cette trop grande puissance religieuse, d’une hiérarchie catholique capable de délivrer le Salut des populations et par-là même d’en obtenir la soumission totale, fait réagir les détenteurs du pouvoir au cours du Moyen Âge.

Mise en place du mythe de la conspiration en Occident

La surpuissance ecclésiastique se concrétise par une mise à l’index de tout ce qui ne correspond pas à la norme religieuse. Cela a des répercussions, comme écrit précédemment, pour tout ce qui concerne les doctrines divergentes du dogme au sein de l’Église catholique. Mais ce sont surtout les croyants des religions juive et musulmane, qui se trouvent acculés aux positions les plus antagonistes.

La religion catholique est sans aucun doute la meilleure alliée des rois espagnols au cours de la « Reconquista », et réciproquement. Au nom du catholicisme et de sa vérité universaliste, les juifs et les musulmans sont persécutés.

La responsabilité des aïeuls de la communauté juive dans la mort du Christ leur est reprochée à partir du XIème siècle. Soit au moment même du début des croisades. Jusqu’alors la cohabitation restait pacifique entre les trois religions monothéistes. Pourtant au printemps 1096 apparaissent les premières formes de l’antisémitisme. Une « croisade populaire » entreprend alors de rejoindre Jérusalem, et fait ses premières victimes parmi les incroyants rencontrés, soient mille trois cent personnes tuées rien qu’au sein de la communauté juive de Mayence.

Parallèlement, l’occupation musulmane à partir du VIIIème siècle est arrêtée aux limites de la péninsule ibérique. La mémoire populaire se fait fort de remémorer la victoire contre les impies à travers la « Chanson de Roland », par ailleurs falsifiée puisque les ennemis de Roncevaux sont des Basques. À partir du XIIIème siècle se déroule en Espagne la Reconquête par une alliance des rois de Navarre, de Castille, et d’Aragon. Derrière eux se rassemble un amalgame d’européens, convaincus de leur mission chrétienne dans la reconquête des territoires espagnols. 1492 est l’année de la fin de cette lente « Reconquista » avec la prise du Royaume de Grenade, couronnée comme il s’avérera plus tard, par la découverte d’un nouveau continent par Christophe Colomb.

Derrière l’armée militaire s’installe pourtant une armée plus redoutable encore, celle de l’Inquisition, organisme judiciaire ecclésiastique institué par Grégoire IX et confié à l’ordre des Dominicains nouvellement fondé (1213). À partir de 1492, juifs et musulmans sont acculés au départ ou à la conversion. L’Inquisition étant chargée de vérifier la véracité des conversions, elle agit par la suspicion systématique, entre autres poursuites des juifs et musulmans convertis et relaps.

Initialement, l’Inquisition a été instituée dans le cadre précis de la lutte de l’Église contre les cathares. Véritable épiphénomène d’une opposition du Nord contre le Sud, de la civilisation de la langue d’oïl contre celle de la langue d’oc, le catharisme, hérésie venue de l’est développée en Albigeois va être l’occasion pour Philippe-Auguste d’une « croisade » censée rétablir l’ordre. Et, trente ans après les premiers combats au XIIIème siècle, ce fut l’occasion d’adjoindre à la couronne de France une nouvelle province au XIIIème siècle.

On le comprend, c’est une véritable psychose qui s’installe dans les esprits de la population médiévale européenne. L’Inquisition n’hésite pas à utiliser la torture pour arriver à ses fins contre les hérétiques, qui finalement peuvent apparaître sous n’importe quelle forme aux yeux de l’Église. Des mesures de ségrégation peuvent être utilisés contre ces hérétiques contestataires déclarés impies. Cette attitude craintive est d’ailleurs retranscrite dans le roman d’Umberto Eco Le nom de la rose.

Ces pratiques redoutables ont une double implication pour la psychologie des masses. D’une part, elle favorise la peur des populations face à un pouvoir ecclésiastique allié au pouvoir temporel. Surtout, une pratique s’installe, qui consiste à trouver des victimes à un mal social. Véritable mythe de la Conspiration[8], c’est une facilité donnée aux dirigeants que d’affubler les responsabilités d’un malaise social, économique ou politique à un groupe social particulier. Au cours du Moyen-Âge, le schéma se répète; alors que la peste noire fait rage, le peuple est tenu d’expier ses fautes; à un moment où les crises économiques secouent le royaume français, les Templiers sont persécutés… Jusqu’au XIXème et XXème siècle, cette pratique est utilisée. Lors de scandales politico-judiciaires, ce sont les francs-maçons et les juifs à nouveau qui se trouvent diabolisés.

Langues et pratiques culturelles affirment
         l’identité nationale des Européens

Langue de culture et langues nationales

Sociologiquement, le langage se définit comme un « produit de la vie en société de nature culturelle ayant pour fin la communication entre les membres d’un peuple »[9]. Véritable système arbitraire ou conventionnel de signes, la langue est propre à chaque communauté, et chaque communauté se représente à travers son langage.

En effet, le langage est le moyen pour la communauté de transmission à travers les générations de ses valeurs, de sa appréhension du monde. Finalement, il correspond à un moyen de communication enrichi de la cosmogonie de cette communauté.

Plus tard, après le développement culturel des communautés, avec, notamment, l’acquisition de l’écriture, puis de l’imprimerie, la langue devient une revendication de chaque communauté. Cette volonté apparaît en corrélation avec les développements culturels et idéologiques correspondants. Le langage passe d’une langue véhiculaire à une langue populaire, vernaculaire.

Une langue pour une cosmogonie commune

À travers l’évolution de l’utilisation du langage, il paraît intéressant de constater les bouleversements socioculturels des communautés européennes. De fait, la linguistique permet de retrouver une parenté des langues européennes. Mais la comparaison de ces évolutions en parallèle des langues européennes laisse surtout constater que la langue riche de culture est négligée au profit des langues vernaculaires. Ce mouvement populaire devient une revendication culturelle correspondant à une revendication territoriale avec la définition de plus en plus restrictives des frontières des territoires.

Langues classiques et pensée symbolique

La langue d’une communauté permet de transmettre au sein de cette même communauté une cosmogonie commune. La langue, à un stade élaboré de l’évolution humaine, atteint l’abstraction. De ce fait, elle s’enrichit petit à petit de concepts clefs, qui correspondent,in fine, à l’élaboration d’une pensée symbolique. Ce stade de la pensée est sans doute par ailleurs à rapprocher du passage essentiel à la pratique de rituels autour de la mort pour les communautés installées alors en Europe. Évolution déjà confirmée par ailleurs par la prise en compte d’une hiérarchie liée au développement de l’art de la guerre.

Avec les auteurs du livre Aux sources de l’identité européenne nous pouvons penser que « tout comme leurs langues dérivent d’une langue-mère, les différentes cultures indo-européennes ont gardé un héritage conceptuel commun, et ont conservé des structures idéologiques communes sous les habits les plus disparates »[10].
Effectivement, les linguistes spécialistes des langues indo-européennes ont constaté des similitudes entre le sanskrit classique, le grec et le latin dont sont issus de nombreux termes techniques ou conceptuels aujourd’hui encore utilisés à travers l’Europe.

Cette constatation d’ordre linguistique amène à un rapprochement avec les travaux de Georges Dumézil, dont nous avons déjà cité la recherche effectuée sur le panthéon mythologique indo-européen, et, en conséquence de cela, sur le constat de la « tripartition fonctionnelle »[11]. Georges Dumézil retrouve cinq dieux principaux dans les panthéons indo-européens, qui occupent trois fonctions cosmiques et sociales principales, soient la souveraineté, la guerre, et la subsistance physique. Or, ces trois fonctions hiérarchisées dans l’ordre cité se retrouvent tant chez les Indiens que chez les Celtes ou encore les Romains. Et il faut reconnaître cette même organisation à travers la répartition sociale de l’Ancien Régime par exemple. En premier lieu apparaît le Clergé, responsable de la spiritualité des hommes et influent politique, vient ensuite la Noblesse, initialement noblesse d’épée élargie avec le temps à la noblesse dite de robe et dont le chef suprême est le roi, enfin le Tiers-Etat rassemblant les agriculteurs avec les bourgeois issus de l’artisanat et du commerce.

La culture classique revendiquée par les Européens correspond à un même héritage conceptuel. Elle se retrouve à travers le grec, le latin puis un certain nombre de langues nationales à des périodes de prééminences de ces mêmes nations; principalement le français. Ces trois langues ont pour particularité d’avoir été de véritable langues véhiculaires de culture. Le grec, dans un premier temps est considéré comme langue de culture à travers l’Empire Romain. De la même façon, le latin est essentiel pour les élites de la période médiévale. Le français prend une importance culturelle et diplomatique à partir du XVIIIème siècle, siècle des Lumières.

Ascension des langues dites vulgaires malgré l’attachement aux langues de culture.

Les Romains avaient une conscience d’infériorité culturelle par rapport aux grecs colonisés. Cela se traduisit par une volonté d’intérioriser la langue grecque comme langue de culture, dans la transmission du savoir auprès des jeunes générations. Pourtant, les chrétiens adoptent très vite le latin comme langue commune de la liturgie. Leur prise de position prééminente d’élite intellectuelle, le latin devenait par-là même essentielle dans la culture chrétienne commune postérieure à l’Empire romain. Cela en surplus de l’utilisation sur tout le territoire encadré par le limes du latin comme langue de l’administration, de la justice et des institutions politiques.

L’arrivée massive de barbares va tempérer pour un temps cette prééminence. Pourtant, si dans un premier temps les envahisseurs et les vaincus coexistent chacun avec ses propres institutions et sa législation, ces mêmes envahisseurs adoptent la langue latine des vaincus, tout comme les Romains avec le grec huit siècles auparavant. Au Vème siècle de notre ère, finalement, les Germains rédigent en latin.

Le latin peut s’enorgueillir désormais d’auteurs devenus aussi « classiques » que ceux qu’avait, à son apogée, la langue grecque. Il paraît alors cohérent que cette langue prenne à son tour un statut de langue de culture, en plus de sa capacité d’être, à proprement parler, une langue véhiculaire. L’élite utilise le latin, et le savoir se transmet dans la mémoire collective à travers cette langue et son écriture.

Cette élite médiévale, héritière de la littérature et des techniques de l’Antiquité gréco-latine, est installée selon un modèle également issu de l’antique villa, les grandes seigneuries. Pourtant le système seigneurial s’appuie sur de nouvelles entités dans ce monde occidental chrétien, inspirées de l’organisation sociale des Germains. Apparaissent en effet le village, le château, appartenant à un propriétaire terrien et/ou chevalier, et bientôt la ville dont le statut ambiguë va lui permettre de s’émanciper. De la même façon que la ville-commune se défait de la mainmise seigneuriale, le savoir va tendre à être divulgué. Le Concile de Vaison, au VIème siècle, avait ordonné la fondation d’une école dans chaque paroisse, le prêtre faisant office d’instituteur. Au XIIIème siècle, il est décidé, sous l’autorité papale, de fusionner les écoles cathédrales, monastiques et privées pour donner naissance aux Universités. Ce sont d’abord les villes de Bologne, de Paris et d’Oxford qui sont dotées de ces institutions ecclésiastiques d’enseignement. De Salamanque à Leipzig et Cracovie, ce modèle est adopté dans les différentes villes de l’Europe du savoir. Le latin est langue obligatoire et permet les échanges entre maîtres venus tant de l’Allemagne que de l’Italie ou de l’Angleterre. L’enseignement se veut commun, « université » dérivant du mot « universel », et se développe en direction des sciences profanes. Par-là même, l’enseignement prend son indépendance vis-à-vis de l’Église. Au XVIème siècle, l’esprit humaniste recherche la connaissance universelle et impose l’enseignement des « humanités » à savoir le latin, le grec, la mathématique et les sciences débutantes.

Parallèlement, on assiste à une ascension des langues vernaculaires issues de l’évolution linguistique à partir du bas latin. Le Moyen-Âge est en effet la période de transition du latin, cette langue réservée dans une certaine mesure aux clercs, aux langues romanes populaires. Entre le VIIIème et le XIème siècle, le bas latin est petit à petit mélangé aux dialectes et parlers régionaux. Le français, par exemple, est issu de la langue d’oïl, mélange de bas latin et de francique. Les autres langues qui se forment alors sont le catalan, l’espagnol, l’italien, le portugais, le provençal (occitan), le rhéto-roman, le roumain et le sarde. L’évolution sémantique a pu donner à chaque langue son originalité ensuite. Dès le IXème siècle par ailleurs, un concile invite les prêtres à prêcher en roman, ce qui relève de la même volonté d’ouverture de la part de l’Église que ne l’a été ensuite la décision de création des universités.

Émergence des états-nations sur la base des langues nationales

Les Germains adoptent le latin au Vème siècle et sont héritiers du « moule » de l’Antiquité gréco-romaine, mais, avec eux, le point central n’est plus le pourtour de la Méditerranée, et il faut convenir alors seulement d’une ouverture au nord. L’Europe prend alors une physionomie plus en adéquation avec celle qu’il nous est permis de constater aujourd’hui. Et l’axe danubien devient central dans les relations commerciales, remplaçant très vite ainsi l’attrait méditerranéen. Cette nouvelle géographie de l’Europe est signe d’un héritage antique assumé par les vainqueurs de l’Empire déchu, tout en gardant un attachement à leur propre identité avec laquelle ils vont façonner l’Europe. On peut ainsi dater à cette période de transition la naissance de l’Europe des Etats. Cette naissance est possible par une première séparation de la tutelle religieuse de États en pleine gestation, qui aboutira finalement à la séparation des États-nations de l’Église englobante. Par ailleurs au sein même de ces États, l’idée de souveraineté évoluera de façon à développer l’État moderne.

Revendication et séparation entre les Églises et l’État

Dès le Moyen-Âge est repensée la répartition des responsabilités suprêmes, alors que l’Église prédomine de son aura l’organisation politico-sociale de la période de transition postérieure à l’Empire Romain. Avec la redécouverte des textes politiques classiques qui se développe à mesure du développement des universités en dehors des lignes ecclésiastiques, une opposition apparaît entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel. En fait, il est possible de remonter à la période du couronnement de Charlemagne pour comprendre le malaise grandissant entre la couronne royale et la crosse pontificale. Jusqu’alors, les investitures sont faites par des laïcs suivant la tradition germanique. Pourtant en cet an 800, c’est le pape qui organise le couronnement impérial de Charlemagne, « patrice des romains ». Le conflit des investitures prendra une dimension plus importante au XIème siècle avec le pape Grégoire VII en opposition avec l’autorité du Saint Empire Romain Germanique ayant pour ambition d’assurer l’unité chrétienne temporelle. La théorie des deux glaives fait apparaître de nouveaux concernés par cette opposition entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel alors qu’apparaissent de nouveaux intervenants dans ce qui est devenu une véritable controverse philosophique et théologique. Avec Saint Thomas d’Aquin, finalement, c’est une réconciliation de l’aristotélisme païen, redécouvert en parallèle de l’ouverture des penseurs aux philosophes arabes et notamment d’Averroès, avec le christianisme. Le thomisme reconnaît la nécessité de l’État, entité politique qui assure la paix et a donc une valeur positive, en conséquence de cette reconnaissance, l’homme doit être à la fois bon citoyen et bon chrétien dans sa recherche du Salut. Ce conflit de pouvoirs qui a débuté entre le Saint Empire Romain Germanique et le Saint Siège, aboutira finalement au XVIème siècle à une volonté de prise en compte de la spécificité nationale dans les rites de l’Église. Idée développée par Luther, elle sera reprise par Henri VIII revendiquant un anglicanisme suite à sa rupture avec l’autorité papale, ou encore par la « charte » du gallicanisme adoptée par les évêques de France à l’instigation de Louis XIV.

L’idée d’une spécificité nationale religieuse prend un nouvel essor lors de la conflictuelle période de la Réforme. Luther, religieux de la ville universitaire de Wittenberg, valorise un resserrement des croyants avec Dieu sans l’intermédiaire des religieux. Pour ce faire, il traduit la Bible en langues vernaculaires, ce alors que parallèlement l’imprimerie prend son essor grâce à Gutenberg et à son innovation d’impression à l’aide de caractères métalliques. La Réforme protestante, inspirée de l’esprit humaniste, permet une sorte d’éclosion de la notion d’individu pris en tant que tel, et, par là même, permet une première évolution vers l’individualisme.

Pareillement, c’est la période d’émergence de l’idée d’une différenciation entre les différentes nations de l’Europe. D’autant plus forte dans les esprits que chaque nation ressent un besoin de marquer son identité par rapport à l’Église qui se veut universelle. Les différentes situations politiques et économiques impliqueront en conséquence de plus ou moins grande manière les États. Dominique Colas dans son ouvrage Le glaive et le fléau marque bien par exemple à quel point la Réforme et ses idées austères nouvelles arrivaient à point dans la situation tendue de l’Europe du nord, alors que les révoltes paysannes se multipliaient face aux pouvoirs abusifs des princes. Certains de ces mêmes princes en butte à l’autorité du Saint Siège adopteront la nouvelle religion des plus pauvres devenant par cette prise de position les « protestants ». Finalement, le XVIème siècle marque la fin de l’unité européenne dans la chrétienté.

C’est également une première étape vers la laïcisation progressive de l’Europe. Les États, par la laïcisation de l’état civil et ce détachement dans ses décisions du Saint Siège parfois malmené, deviennent laïc à la fin du XIXème, ce qui montre le processus lent impliqué. Sans doute la Révolution française, mettant fin à une monarchie de droit divin, a-t-elle été une étape décisive en ce sens pour l’Europe occidentale. Mais c’est en Angleterre, avec « la Glorieuse Révolution de 1688 » et avant l’intermède politique d’Olivier Cromwell que l’absolutisme de droit divin est mis à mal. L’Europe devient définitivement laïque avec l’éclatement de l’Empire austro-hongrois. Depuis le Vatican, le pape Léon XIII convie les catholiques à un « ralliement » au gouvernement républicain, inspiré par le thomisme politique, et, avec l’encyclique « Rerum novarum » de 1891, il jette les bases d’un catholicisme social.

La plus grande opposition, finalement au XXème siècle, se fera autour de l’enseignement. 1905 en France est l’année de la séparation des Églises et de l’État, et c’est l’adoption d’un point de vue national de l’enseignement laïc, obligatoire et gratuit légiféré par Jules Ferry en 1881.

Cette laïcisation progressive des sociétés européennes est parallèle au développement du concept d’identité nationale mais aussi de la progression de l’esprit capitaliste.

Élaboration de l’État moderne au sein de ces États souverains

L’Ordonnance de Villers-Cotterêts, pendant la période charnière du XVIème siècle, décidée par François 1er en 1539 est un acte remarquable politiquement, en plus de ses implications linguistiques. Désormais tous les actes administratifs seront rédigés en français. La langue populaire est officialisée et utilisée pour l’état civil, les actes de justice, les lois pourront être connues de l’ensemble des strates sociales françaises. Cette idée sera d’ailleurs poursuivie par l’enseignement obligatoire centralisé. Cette progression de reconnaissance des langues populaires, favorisée par l’imprimerie mais aussi par les actes politiques, est un mouvement qui touche l’ensemble des États européens les menant à long terme vers les nationalismes.

Cette évolution politique voire idéologique doit pourtant être mise en corrélation avec une évolution de la reconnaissance croissante du statut de l’individu par rapport à sa communauté. À partir du Moyen-Âge s’effectue un lent mouvement de fragmentation des communautés, l’individu se détachant lentement mais sûrement des multiples liens sociaux organisés. Le mouvement d’autonomisation et de souveraineté de l’homme, de sa nation, apparaît dans cette période historique pour devenir incontournable au XVIIIème siècle.

L’idée que l’homme peut et doit être un citoyen est le résultat d’un double héritage; de deux notions européennes intégrées à sa cosmogonie. Il faut en effet le rapporter aux idées politiques grecques et particulièrement à la première conception d’isonomie qui apparaît alors, certes insuffisante puisque cette égalité devant la loi démocratique ne concerne ni les femmes ni les esclaves. L’héritage complémentaire de ce concept politique provient de la notion chrétienne de l’égalité et de l’importance de l’homme dans l’Église, quel que soit son statut.

Les chartes médiévales reconnaissent au sein de la commune une liberté civile personnelle et réelle à chacun des habitants de façon égalitaire. Ces communes, futures villes, au nord comme au sud de l’Europe, ont obtenu un droit d’existence hors du système féodal par un statut particulier, accompagné de privilèges plus ou moins étendus étant donné le caractère souvent coutumier de leur obtention. De la même manière, les barons anglais obtiennent du roi la Magna Carta en 1215. Elle organise une limitation du pouvoir royal, premier accès à une nouvelle souveraineté. Sa poursuite évolutive se traduira par « l’Habeas corpus », en 1679, qui garantit désormais la liberté individuelle. Initialement, la Grande Charte répondait à un conflit d’autorité entre l’assemblée élective d’origine aristocratique et l’idée d’une souveraineté relevant du droit divin censée être détenue par le roi. L’importance des Chambres représentatives existantes à travers l’Europe d’alors se reflète à travers le type de convocation qui les concerne. Or les États, dans un premier temps, se forment dans un sens centralisateur autour d’une dynastie de droit divin. C’est le cas tant en France qu’en Angleterre ou en Espagne. La dynamique du XIIIème siècle en Angleterre est une première avancée vers le parlementarisme après cette centralisation extrême autour d’un pouvoir de droit divin. Elle marque le début d’une évolution vers la reconnaissance du citoyen, à travers une représentativité par le suffrage censitaire au XIXème siècle puis du suffrage universel au XXème siècle.

Les événements du Siècle des Lumières, d’abord la Guerre d’Indépendance nord-américaine de 1776 puis la Révolution Française corroborent ces évolutions socio-politiques. La notion d’honnête homme, poursuite de l’humaniste paneuropéen du XVIème siècle savant et critique, conjugue celle des droits de l’homme. Les deux événements historiques font évoluer l’idée de souveraineté, souveraineté nationale et de souveraineté populaire, et amène des hésitations pour les philosophes politiques entre ces deux modèles de démocratie représentative que sont celle correspondant à l’électorat droit et celle de l’électorat fonction. Les philosophes et encyclopédistes traversent l’Europe pour transmettre un peu partout leurs réflexions qui influencent certains despotes éclairés européens, Catherine II de Russie, Frédéric II de Prusse… qui ne vont pas pour autant jusqu’au bout de ces idéaux. Pourtant ces idées s’accompagnent d’universalisme, et tant la Révolution française et ses guerres que les invasions napoléoniennes constitueront différentes tentatives d’exportation du modèle national français.

Avec la Révolution apparaît le concept de la Nation, unité politique et humaine partageant un même territoire et soumise à une même autorité. À partir de cette définition, deux conceptions de la nation vont s’opposer en Europe au XIXème siècle, correspondant à deux traditions philosophiques européennes. Avec Fichte et Herder, philosophes allemands, la nation est première, qui façonne chacun de ses membres. A contrario, les français sous l’égide de Renan et Fustel de Coulanges, la nation est le résultat de la volonté de chacun des individus qui la forme. Cette opposition entre la « théorie ethnique des nationalités » et la « théorie élective des nationalités » se retrouve à travers l’essentiel des conflits de nationalités qui bouleversent le XIXème siècle, et plus particulièrement autour de la question de l’Alsace-Lorraine après la guerre de 1870. Ce siècle, véritable Ère des Révolutions » pour Eric Hobsbown, favorise l’exaltation de ce sentiment d’appartenance à une collectivité nationale donnée.

Le nationalisme « fermé » selon la terminologie de Michel Winock[12], laisse bien souvent apparaître un excès bien propre à l’identité européenne et apparaît depuis lors de façon récurrente. À l’opposé, le « nationalisme ouvert » se ralliera à la volonté d’évangélisation chrétienne en permettant par exemple la colonisation, au nom de sa mission civilisatrice. Dans ce domaine de l’impérialisme mercantile, il faut encore différencier les théories justificatrices des différents États européens, la France républicaine proclamant vouloir diffuser ses principes universalistes, au contraire des Anglais et des Allemands plus prosaïques et/ou réalistes.

La culture, expression artistique autant que reflet identitaire

Dans l’introduction de cette étude, nous constations la différence à faire au sein de la population européenne, entre des strates sociales différemment loties face à l’idée d’unité européenne. Il s’agit, bien sûr, de l’élite de décision, transeuropéenne de par ses liens familiaux entretenus au cours de l’Ancien Régime, mais également de l’élite artistique.

Nous avons perçu au travers de l’évolution sociale et politique des États souverains l’amorce du recul de l’aristocratie européenne. Il s’agit maintenant de prendre en considération les mouvements artistiques de l’Europe, pour se demander si l’appellation de « République des Lettres » lui convient.

Les mouvements des expressions artistiques

L’évolution de l’art en Europe est une fois de plus à rapprocher de son histoire religieuse. De fait, les textes religieux vont être les premiers modèles des artistes. Ces représentations sur supports picturaux ou musicaux, principalement, prennent, du fait de leur sujet un caractère sacré par delà le premier degré. Première muse, l’Église est également la première commanditaire des artistes. Cette situation va évoluer avec l’émergence de nouvelles classes possédantes et la pratique du mécénat. L’art perdant de son sacré du fait même de cette diversification de ses acheteurs, il devient un médiateur figuratif de considérations d’ordre théologiques d’abord, puis économiques voire politiques.

L’ imprematur de l’Église

Les représentations artistiques en Europe sont, dès leur abord, le résultat d’une influence, si ce n’est d’une volonté, religieuse. Ainsi les représentations des textes chrétiens se font-elles par le biais de l’image. Ces images sont, dans un premier temps, symboliques ; le poisson ou la colombe étant souvent dessinés pour représenter la foi, la représentation de la figure humaine est ensuite acceptée. Il n’en est pas de même lorsqu’on s’intéresse aux autres religions monothéistes. Le judaïsme valorise le Verbe transmis grâce à la Torah, ce qui est peut-être à relier au phénomène de la diaspora. L’Islam, également a la Parole, il se représente à travers l’expression architecturale des mosquées, qui, bien souvent, inclut la Parole du prophète Mahomet par le biais de bas-reliefs et ronde-bosse sculptés, ou encore admettant des dessins non figuratifs, les arabesques.

Pourtant au sein de la chrétienté, l’art de l’Europe occidentale va se distancier de la conception de Byzance de la représentation religieuse. Rome reste relativement pragmatique et considère la peinture comme un artisanat nécessaire permettant de décorer les grands murs des premières églises et basiliques, alors que le byzantinisme recherche le raffinement à l’excès pour cette représentation du sacré. La mosaïque en provenance de ce Proche-Orient lumineux va influencer l’Église catholique romaine à partir du Vème siècle. Dans cet art, la basilique Saint-Marc de Venise ne s’éloigne pas beaucoup de la basilique Sainte-Sophie byzantine de six siècles son aînée. Pourtant les cheminements artistiques de Byzance et de Rome vont diverger, à cause de leurs controverses d’ordre théologique et de souveraineté.

La crise iconoclaste apparaît à Byzance au IXème siècle, sur fond de controverse religieuse, mais elle relève également de troubles politiques et sociaux. L’icône, portrait typique de l’art byzantin de la mère et de l’enfant, correspond aux conciles proclamant Marie mère de Dieu. Le problème apparaît lorsque ces représentations deviennent, au cours du VIIIème siècle, l’objet d’une idolâtrie liée à un certain fétichisme. Les religieux favorisent ce mouvement qui leur bénéficie financièrement, ce qui choque certains membres de la classe moyenne de l’empire, qui, se rassemblant, forment le mouvement destructeur des icônes. Ce mouvement sera suivi avec plus ou moins de constance par les autorités ecclésiastiques et impériales, pour finalement être déclaré comme hérétique par Rome. Le catholicisme occidental a d’ailleurs bénéficié de cette crise tant artistiquement, puisqu’elle est le lieu de refuge de certains artistes, qu’à titre honorifique, alors que Byzance se rétractait finalement de cet élan iconoclaste en rétablissant solennellement le culte des images en 843. Cette crise est par ailleurs un premier exemple des rapports conflictuels entre Byzance et Rome ; elle prépare d’une certaine façon le schisme de 1054.

Le Moyen-Âge voit se construire des églises puis des cathédrales qui font suite aux premières basiliques issues des constructions romaines traditionnelles. Les scènes peintes sur leurs murs sont d’importance pour la transmission des récits bibliques face à l’illétrisme. Par fresques entières sont représentés naïvement les récits des Ancien et Nouveau Testament dans les architectures romanes, premier art européen interprété de façon différentes en fonction des zones géographiques. Autant l’art roman se caractérise par sa sobriété, autant le gothique développe la hauteur des bâtiments grâce à la voûte de pierre, et recherche une maximisation de la lumière. Ces bouleversements correspondent à des évolutions techniques mais surtout à des évolutions de mentalités à partir du XIIIème. Les sculptures sont beaucoup plus présentes, la nouveauté consistant en la fabrication de vitraux, surtout, ces représentations apparaissent plus torturées, avec, notamment, une forte présence du Jugement Dernier. Ces représentations vont de paire avec un traumatisme croissant de la population par la Grande peste qui frappe au XIVème et tue près de la moitié de la population européenne, et également par la guerre de Cent ans, s’ajoutant aux différentes révoltes paysannes du nord et de l’ouest européen durement réprimées.

L’évolution permise par de nouveaux financements des artistes

La Renaissance, à partir de l’Italie et du Quattrocento fait évoluer les styles, bouleverse les techniques, et surtout modifie les données financières de l’art. Les villes, lors des grands chantiers qui leur permettaient de se doter d’église ou de cathédrale, profitaient des dons de notables ou de corporations artisanales du bourg. Cette bourgeoisie s’affirme au fil des siècles ainsi que son influence financière. Par ailleurs, peintres, sculpteurs acquièrent le statut d’artiste, celui-ci remplaçant l’idée de simples artisans. Se développent alors la pratique du mécénat et du système de protection des arts par la protection des artistes eux-mêmes. On poursuit l’idée de valorisation de l’homme pour ses qualités propres. Les premiers mécènes sont les membres du Clergé et les princes. Mais très vite des notables plus récemment enrichit vont suivre le modèle de protecteur des arts. Peut-être de façon d’autant plus fervente qu’il tient à eux de s’installer sur l’échiquier social. Les exemples se trouvent en Italie, avec la famille des Médicis, marchands et banquiers, initialement apothicaires, de Florence, qui émerge au XVème siècle. Jusqu’au XVIIIème, elle jouera un rôle primordial pour cette ville et la Toscane, mais elle aura aussi un impact politique et artistique européen. Au nord de l’Europe, les Függer, drapiers au XIVème siècle, se tranforment en fins commerçants, et deviennent les banquiers des empereurs Habsbourg. Leur position politique acquise, ils s’affirment également protecteurs des arts et collectionnent les oeuvres tout comme les Médicis à Florence.

Ces nouveaux collectionneurs sont demandeurs d’un renouvellement des sujets d’inspiration des artistes protégés. Si bien qu’en parallèle de ce qui restera la source d’inspiration unifiante, la religion, des thèmes artistiques profanes apparaissent alors.

L’art comme moyen d’imprimer une specificite

Au XVIIème siècle, la condition des artistes évolue. Les peintres bénéficient de commandes multiples, puisqu’elles s’étendent des demandes de la part des églises et couvents, aux commandes officielles de cours ou aux commandes individuelles de portraits. Le Titien, Le Tintoret, Velasquez, El Greco… vivent de leur art et bien que l’aura de leur oeuvre traverse les frontières, leur style sera identifié à leur pays d’appartenance. Ainsi El Greco, influencé par le byzantinisme dans un premier temps, a-t-il été l’élève du Titien avant de s’installer en Espagne. Les peintres, fort de leur succès, sont invités à voyager à travers l’Europe. Les écrivains, quant à eux, ne bénéficient au mieux que d’une pension, et sont astreints à occuper des postes plus « alimentaires » s’ils ne sont protégés par quelques mécènes. Enfin, les musiciens ne doivent leur salut qu’à l’obtention de postes officiels tels que maître de chapelle, organiste, premier violon…

La diversification du mécénat et une certaine auto-glorification.

À partir du XVIème siècle, le commerce se développe vers des contrées nouvellement découvertes. L’Amérique permet d’enrichir fortement l’Europe en remplissant les caisses des rois de l’Espagne et du Portugal. Les multiplications d’expéditions permettent non seulement l’exploration de nouveaux territoires, mais aussi le développement des routes maritimes commerciales. Ces missions sont organisées par des compagnies de commerce et de navigation rassemblant les armateurs, et qui bénéficient de droits et privilèges. Leur rôle, in fine, n’est pas seulement commercial mais également diplomatique et dispose d’un pouvoir militaire. Ce sont ces compagnies qui, les premières, organisent l’exploitation des nouveaux territoires. Ainsi, la Compagnie de la Nouvelle France, créée en 1627, dispose du territoire du Canada et le développement attendu du commerce des fourrures implique une colonisation humaine. Des Compagnies privées anglaises mieux organisées vont dépasser celle-ci en Virginie ou dans le futur Massachusetts. En parallèle de ces organismes de transport, des comptoirs sont installés le long des côtes des différents continent. Les Flandres surtout voient émerger les plus florissantes de ces compagnies. La Compagnie hollandaise des Indes occidentales, dispose du monopole commercial sur les côtes africaines et américaines, ce qui sera à la base de la colonisation de la future Afrique du Sud ou encore de la création de Neuwe Amsterdam future New York. La Compagnie hollandaise des Indes orientales, quant à elle, est en relation exclusive avec l’Indonésie pour le commerce des épices. Ces compagnies monopolisantes s’enrichissent, développent une première forme de capitalisme et permettent l’essor des économies nationales par leur effet dynamisant. Grâce à la découverte de la machine à vapeur, les capitaux déjà amassés, mais aussi l’évolution des techniques agraires, la Révolution industrielle est amorcée à la fin du XVIIIème siècle à partir de l’Angleterre. La bourgeoisie s’impose comme nouvelle catégorie sociale dominante. Cet essor de la bourgeoisie a des répercussions sur la production artistique alors qu’une nouvelle pratique de cabinets d’objet d’art se développe au XVIème et XVIIème siècle parmi les collectionneurs. Ce nouvel espace des habitats cossus permet d’exposer ses possessions artistiques aussi bien que d’autres objets de curiosité. « Chambre d’art et de merveilles »[13], le cabinet forme un microcosme de la contemplation, aïeul du musée public. Mazarin, la reine Christine de Suède, « Jabach le banquier », directeur de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, sont de grands collectionneurs de peinture, mais la sculpture assure également le succès de ses créateurs. Au gré des fortunes et des ruines, les oeuvres d’art passent entre les mains de différents collectionneurs, alors qu’un intérêt se découvre également pour les créations d’artistes morts. L’art devient une valeur en soi, et, le marché se déplaçant du sud vers le nord de l’Europe, Anvers se transforme en premier marché de l’art.
br>Politiquement, c’est avec Louis XIV que l’on voit s’imposer la bourgeoisie dans les décisions nationales. Et ce alors que l’aristocratie française est confinée dans le palais de Versailles. Parallèlement celui-ci est le symbole de l’utilisation de l’art pour la mise en valeur nationale.

L’art comme revendication religieuse mais aussi politique

De la même façon que le classicisme à travers Versailles est un enjeu politique, le baroque était le style d’un enjeu religieux. Apparu au XVIème siècle, il correspond à la nécessité pour l’Église catholique de manifester la splendeur divine, contrant la recherche d’austérité prônée par Luther et le mouvement de la Réforme. En provenance de la péninsule ibérique, son exubérance se répand à travers toute l’Europe défensive de la catholicité et se retrouve jusque dans les colonies d’Amérique latine. Saint Pierre de Rome, églises des Flandres en sont les premiers exemples architecturaux, le mouvement suivi en Allemagne méridionale ou Autriche et Bohème, donne un nouvel essor à cette créativité au XVIIème siècle. La peinture de la contre-Réforme flamboie à travers les compositions dramatiques et triomphales du peintre flamand Rubens. Dans la musique, des compositeurs tels Monteverdi donnent une dimension passionnée à une musicalité renouvelée avec des modulations enrichies. Le baroque correspond par ailleurs à l’émergence de l’ordre des Jésuites.

Versailles poursuit l’intérêt pour l’architecture qui était apparu avec le style Baroque. Il devient un élément déterminant dans la politique de prestige voulue par Louis XIV. Ajouté à un sens de la théâtralité issu des cours espagnoles depuis Charles Quint, Versailles, dont les travaux débutent en 1661, relève d’une volonté de dominer et garder autour du roi la cour, mais, surtout, d’imposer auprès des autres nations européennes la France comme nation prééminente. Plaisir de l’oeil autant que démonstration politique et économique, cette création du plus pur classicisme français est imitée à travers l’Europe par ses souverains.

À partir du XIXème siècle, la revendication politique devient propre à certains artistes. On assiste alors à l’immixtion de l’artiste, de sa réflexion, dans son oeuvre. Dès le XVIIème, Vélasquez donnait son propre regard posé sur les sujets représentés. Il n’hésitait pas à rompre avec les conventions de solennité des portraits de cour, et se représentait dans l’oeuvre des Ménines (1656), imposant par-là même une réflexion sur le problème complexe de la représentation qui implique le peintre, le modèle et le spectateur. Mais c’est avec Goya qu’éclate la volonté d’autonomie de l’artiste. L’inspiration du peintre est plus libre et il n’hésite pas à attaquer férocement la bêtise humaine à travers la deuxième partie de son oeuvre, alors même que ses tableaux sont des portraits officiels. Sa sévérité vis-à-vis de la réalité est contrebalancée par son approche tardive du fantastique. Proche des milieux intellectuels, Goya n’hésitera pas à proclamer son attachement nationaliste lors des insurrections espagnoles contre l’arrivée des armées napoléoniennes (Le 2 mai, le 3 mai 1808), tout en dénonçant avec violence les atrocités de la guerre par des eaux-fortes. Acte politique s’il en est, Goya critique ouvertement ses dirigeants et dénonce une occupation nationale. Se marque alors les débuts de l’art moderne par la liberté et l’approche sociale de l’oeuvre de Goya. Par ailleurs, plus tard mais de la même manière libre, le romantisme lui-même s’attachera à différentes inspirations d’ordre nationaliste.

Signe économique, l’art permet l’émergence concrète de la bourgeoisie à partir du XVIIIème siècle par la représentation de scènes bucoliques annonciatrices du romantisme avec Bouchet ou Fragonard. Cette légèreté mêlée à une certaine sensibilité se retrouve de la même façon dans un certain nombre d’oeuvres littéraires faisant suite à la préciosité du XVIIème siècle, qui pourrait correspondre à l’esthétique baroque. Prémices du romantisme, cette légèreté dans l’inspiration artistique ne met que mieux en valeur les idées nouvelles de ce siècle des Lumières philosophiques.

Enjeu religieux, signe politique, voire nationaliste, l’art se pose comme signe symbolique de la société européenne dans son ensemble et de son évolution au cours des siècles. Il révèle une avancée parallèle des différents États. Pourtant, ces derniers, bien que d’évolution historique proches, multiplient au cours des siècles les spécificités nationales.

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Bien que ses positions soient à prendre avec circonspection, Paul Valéry a apporté un intérêt certain à la définition de l’Europe en constatant qu’: « [ . . . ] aucune partie du monde n’a possédé cette singulière propriété physique : le plus intense pouvoir émissif uni au plus intense pouvoir absorbant ». Mis à part l’enthousiasme qui aurait tendance à favoriser chez l’auteur un certain ethnocentrisme, voire européocentrisme, force est de constater avec lui une certaine capacité de ce continent, dans son histoire à s’enrichir des connaissances qu’il est amené à rencontrer . Bien que cette histoire soit pour l’essentielle marquée de conflits et contradictions internes, elle a permis à l’Europe de former sa cohérente hétérogénéité. C’est en puisant aux sources les plus diverses que l’Europe a pu, et a su forger son identité.

L’Europe a notamment beaucoup reçu des différentes strates ethniques qui se sont historiquement installées sur ce territoire faisant par là même évoluer sa pensée et sa culture. En contradiction pourtant avec cette évolution positive, on ne peut nier une capacité également développée à l’opposé, celle du refus de l’autre et de sa mise en minorité de façon tout aussi puissante que celle développée pour l’absorption de l’autre.

Ces phénomènes ont, de toute façon, favorisé la formation, lente et inégale dans le temps, d’une « communauté de destin » européenne.
Quant à la capacité de s’exporter, là encore le constat est ambigu. Ce qui fut un ensemble de colonies anglaises s’est transformé en Etats-Unis d’Amérique, au détriment des autochtones amérindiens, par un transfert de populations avec leurs spécificités au delà de l’Océan Atlantique.

Deux leçons historiques se retrouvent là. La culture européenne a forcé sa transmission par le biais des colonies, au mépris des cultures rencontrées, considérées comme inférieures. Mais cette allusion aux Etats-Unis nous met face à un autre problème, celui de différencier la culture européenne de la civilisation occidentale.
L’Europe n’a un avenir qu’à ces deux conditions, la mise en valeur d’une spécificité culturelle européenne, et surtout une capacité au dialogue, forte de sa différence face à un géant tel que les Etats-Unis.

Eglise, Etat, Famille, ont chacun une part de responsabilité, en tant qu’acteurs sociaux des sociétés européennes, dans son évolution au cours des quatre périodes historiques de l’Europe. Ces périodes sont l’Antiquité, le Moyen-Âge, les Temps Modernes et la période contemporaine. Chaque période, par le jeu des institutions et des acteurs sociaux, contient les prémices de centrifugation des européens dans le temps unitaire, et réciproquement des efforts centripètes dans les moments conflictuels. Pourtant, il existe une période historique au cours de laquelle on peut observer une identité culturelle européenne, en reconnaissant le rôle que la religion chrétienne, de par la cosmogonie qu’elle implique y a tenu.
De fait, le Moyen-Âge, en suivant Jacques Le Goff, a sans doute été une période bénie dans l’histoire de l’Europe pour l’émergence de son identité culturelle. Période d’unité linguistique et religieuse où la féodalité, désorganisation politique en comparaison de nos systèmes politiques qualifiés de légalo-régaliens par Max Weber, permet de valider l’idée d’une richesse culturelle dans le détail.

La cohérence de l’Europe apparaît par le biais de systèmes transversaux aux Etats-nations. Cohérence des réseaux interuniversitaires, mais aussi de systèmes politiques à petite échelle.
Cette constatation est à mettre en rapport avec le développement des connections entre universités aujourd’hui. Un développement certainement tardif par rapport à la priorité qui a été donnée à l’économique lors du développement de la Communauté Européenne; choix qui aurait été regretté par Jean Monnet, qui déclarait « S’il fallait tout recommencer, je commencerais par la culture ». Des programmes tels qu’ Erasmus – parmi les plus connus – sont en effet des occasions de rencontres d’étudiants, mais aussi de mise en rapport d’enseignements et de confrontations de systèmes de fonctionnement.

De la même manière, on peut regretter la limitation des échanges entre villes jumelées à un nombre relativement faible d’opérations. Mais c’est là sans doute un domaine qui rejoint l’Europe des régions autre sujet de questionnements pour les décideurs de l’Europe[14].

L’Europe est diverse, et il convient de la considérer comme telle. Son histoire suit le même parcours global, mais elle laisse apparaître une multiplicité qui fait sa richesse. C’est par la transmission et l’acceptation de cette particularité culturelle que l’Union Européenne avancera auprès des populations concernées.

Johanna O’BYRNE