La quête éperdue d’une notion de « normalité »

Qu’est donc la “normalité” devenue ? Mot étrange, à dire vrai, qui contient “norme” alors qu’on souhaite évoquer une forme de neutralité.

Différence affichée et compétition sont “la” norme

Dans un monde où la compétition, du monde sportif à celui de l’entreprise, de la fébrilité scolaire des parents “pousse-au-concours” que subit le jeune enfant jusqu’à l’âpreté financière que sa réussite va lui inculquer comme étant la plus haute vertu de l’humanité, la compétition est la seule loi qui vaille.
Compétition, reine du XXème siècle, soutenue et renforcée même par la substitution de la machine à l’homme sur une échelle encore jamais imaginée… certes, mais qui n’a hélas pas pour autant affranchi ce dernier de mille et une servitudes. Elles ont migré. Le mythe a glissé.
Vocable, naguère encore, à forte connotation négative, le mot “agressivité” est ainsi peu à peu devenu synonyme de qualité suprême, celle des gagneurs (gagneurs de marchés, de monnaie, d’or ou de médailles d’or), celle des marchands de n’importe quoi, celle des illusionnistes du pouvoir.

La guerre de tous contre tous est-elle inéluctable ?

Quelle normalité ? Celle de la guerre de chacun contre tous au profit de qui ?
Justement là que ce site voudrait “situer” l’enjeu : parvenir à reconnaître dans les rapports humains une normalité sociétale minimaliste qui rende les gens heureux !

Allez rêvons.

Rêvons, comme le fait Jean-Claude Michéa, à la belle et rassurante common decency que Georges Orwell appelle de tous ses voeux. Est-ce encore un voeu pieux ? Ou bien …
Le XXIème ne s’annonce pas serein. Nombre de nos systèmes de référence, tolérés, jadis, à défaut de mieux, sont, aujourd’hui, ce n’est pas un mystère, totalement essoufflés. Nos fois, nos valeurs, nos habitudes et nos grilles sont devenues caduques, érodées par notre propre scepticisme.
Nos antiques, puissantes et parfois détestables contraintes ont été brouillées tant et tant que plutôt que de devoir vivre dans la confusion que leur absence a permis de s’installer nous en serions presque à les ré-étudier, à nouveaux frais, et non sans nostalgie.

Jean-Claude Michéa,
Impasse Adam Smith, Flammarion, Paris, 2006
et La double pensée, Flammarion, Paris, 2008.