De la société de contrôle à la société du doute

Valérian GUILLIER
Le dogme de la sécurité est le prétexte de dérives grandissantes. Nous entrons en effet dans une période connectée ou celui qui est innocent doit le prouver. Il est nécessaire de justifier la déconnexion, le refus d’être joignable constamment et à vie. Il s’agit de pouvoir affirmer sans cesse qu’on n’a « rien à cacher ». La vie privée est donc interdite. Les comportements « suspects » c’est à dire incohérents – ou encore humains – sont détectés par les machines et donnent parfois lieu à des privations de liberté. L’humain confie le contrôle à la machine et annihile l’irrégularité, le hasard, l’improvisation, car ceux-ci sont sources de soupçon. Les lois de tous les pays (en France : LOPPSI, DADVSI, HADOPI ou la récente loi de programmation militaire pour n’en citer que quelques unes) et les accords internationnaux tendent à remettre en cause la présomption d’innocence et le pouvoir central de la justice comme régulateur des sociétés.
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La réintégration du vocable et des pratiques résistantes dans un dialecte et des pratiques « autorisées » est en cours. L’ouverture des données, l’éducation populaire et la culture sont les outils de la résistance dont le coût rend possible, voire probable la compromission. Si le doute n’existe que parce que les populations l’acceptent et le perpétuent, c’est probablement un point commun avec les sociétés du contrôle et souverainistes, qui n’ont pas accouché de sociétés meilleures, malgré l’identification de leurs limites et les réactions qu’elles ont suscité.

Développement durable en Europe

Représentations d’une idéologie contradictoire

Michelle VAN WEEREN
Face à l’état alarmant de la planète et aux inégalités sociales toujours croissantes, les sociétés européennes semblent avoir trouvé la réponse adaptée. Concept très en vogue sur le continent européen, le développement durable s’impose aujourd’hui aux pouvoirs publics et privés comme un outil opérationnel censé donner les lignes directrices qui permettraient de trouver un nouveau modèle de gestion plus respectueux de l’environnement et de l’humain. Malgré l’unanimité apparente avec laquelle toutes les parties concernées semblent avoir adopté cette nouvelle idéologie, il s’avère qu’il existe des différences dans l’interprétation et la mise en pratique du « développement durable ».
Ces différences semblent en partie être dues à la confusion générale qui règne autour de ce concept parfois perçu comme contradictoire. Confusion qui laisse naturellement une marge de manœuvre et une liberté d’interprétation considérable à ces nouveaux acteurs de la durabilité. Mais, un développement véritablement durable ne nécessiterait-il pas une révolution collective de nos mentalités, révolution qui sera avant tout profondément culturelle ?

La ville créative : quelle place pour la culture?

Laetitia SILVENT

Prisé et source de grandes polémiques, le concept de ville créative connait un succès retentissant. Les métropoles sont en quête de nouveaux modèles urbains capables de répondre à leurs attentes afin de faire face à une concurrence accrue qui les pousse à faire preuve de créativité. Pour attirer les fonds et gagner ou conserver une certaine notoriété, les métropoles se tournent vers les prédicateurs de cette doctrine de ville créative pour renouveler les tissus économiques et urbains. Il est ici question de mesurer l’instrumentalisation qui est faite de la culture. Que signifie le terme « créatif » pour ces prédicateurs ? Est-il question de culture ?

Usage de la culture dans la ville néo-libérale

Ossian GANI

La ville est une construction complexe, dans laquelle s’entremêlent un espace objectivé par des approches scienti­fiques (géométrie, géographie, carto­graphie) ou théoriques (urbanisme, planification) et un espace vécu, perçu, mental. Elle est également un produit social, retranscription des rapports de production et des rapports culturels. Ce n’est pas un espace neutre mais instrumental« lieu et milieu où se déploient des stratégies, où elles s’affrontent. »

Les stages : l’école de la servitude

Le stage tourne le dos au progrès : à la grande différence de l’apprentis­sage, le stage n’est en aucun cas destiné à former de futurs maîtres de leur art.
Il sert à ancrer soumission et servitude dans les consciences. Le stage aide, légalement, l’entreprise à voler l’Etat, la société et … le stagiaire.

La culture du gratuit à l’ère d’Internet

Sophie BOUDET-DALBIN

L’économie du futur sera fondée sur les relations plutôt que sur la propriété (John Perry Barlow). Herbert Simon en 1971 :  » L’information consomme … l’attention de ceux qui la reçoivent… » Grâce à sa capacité à produire, reproduire et faire circuler sans coût ni travail supplémentaire, le numérique est à l’origine d’une profusion des données : l’attention apparaît plus que jamais comme une ressource rare.

La festivisation de la culture

Benjamin CLAVÉ

Les mutations actuellement à l’œuvre dans le monde de la culture sont intimement liées à une crise générale de notre société, voire de la civilisation européenne. Nous traversons une période trouble qui ne se réduit pas à de simples problèmes économiques. Une des principales raisons de notre incapacité à comprendre notre époque tient au fait que nos outils de réflexion et nos grilles de lecture sont eux-mêmes les produits de ces bouleversements.

Musiques transgressives

Fabien TREMEAU

Lors d’une altercation à l’université de Francfort avec des étudiants le 22 avril 1969 on entend: « Si on laisse faire ce cher Adorno, on aura le capitalisme jusqu’à la mort ». En effet, Adorno par sa critique de l’industrie culturelle et de la culture de masse rejetait toute culture populaire qu’il voyait pervertie et manipulée par le système capitaliste… s’opposant ainsi à la nouvelle culture estudiantine issue de Mai 68.

Internet et le cinéma

Sophie BOUDET-DALBIN

Vers une meilleure compréhension d’internet pour le développement de la distribution numérique de films. Cet article, bien qu’écrit en 2004, met à jour des enjeux que la recente actualité n’a fait que confirmer. Internet, insistons, est une technique qui ne crée pas en soi du sens. Confier aux nouvelles technologies de communication un rôle de pilote de transformation sociétale, c’est confondre performance et sens.