Trop rares sont les responsables, décideurs, analystes qui parviennent à percevoir (en ont-ils seulement le souci ?) l’absurdité qu’il y a dans la tentative d’intégrer des personnes qui ont (elles-mêmes ou leurs ascendants) migré dans des conditions si spéciales (parfois si épouvantables) qu’ils ne peuvent concevoir ce que serait  « se couler dans l’existant » autrement dit ce que l’on nomme accomplir une « intégration réussie ».

Farouches,craintifs, parfois déboussolés, ils sont parvenus parfois, par peur, par ruse, par sursaut de survie à se faire craindre et sont à l’occasion redoutés et bien évidemment rejetés. Pourquoi voudraient-ils s’efforcer d’entrer dans un autre jeu qu’ils ne comprennent pas très bien ou qu’ils comprennent et abhorent.

Le problème possède, bien entendu, un volet qui s’écrit en termes d’urbanisme et de paysage urbain ; donc de paysage mental – le lien entre les deux est bien plus étroit qu’on ne veut l’avouer. « Admirons » un instant la terrifiante dépersonnalisation des lieux, l’absence de repères, l’anonymat passe-partout qui a été engendré, délibérément et en connaissance de cause, par les technocrates des « trente glorieuses » et même bien après.

Les marques de la non-intégration ne sont ben évidemment pas le fait des populations migrantes devenues  « aisées, cultivées, normales, civiques »Â  mais de « l’autre », de celle qui ne parvient plus à supporter l’idée de n’être même plus en marge.
La marge, est un (ré-)confort. C’est ce lieu depuis lequel on peut exploiter toutes les ficelles et les avantages de l’irresponsabilité, hors de l’effort ordinaire mais pas sans effort pour autant, hors du civisme ordinaire mais pas sans décence au sein du groupe, hors de la morale mais pas sans y mettre les formes et selon des codes souvent plus strictes que ceux des mondanités, autrement dit hors de l’Etat, hormis pour quelques éventuels avantages sociaux, mais pas sans une forme d’établissement dans un tissu de liens sociaux architecturés.

Alors, vient vite la question :  s’intégrer ? Mais pour quoi faire ?

De quelque côté que l’on se tourne, et l’on a beau chercher,  ils sont vraiment peu  nombreux les théoriciens ou les politiques qui songent à répondre très honnêtement à cette  simple question ?